La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) marque une étape cruciale dans la transformation des entreprises vers des pratiques plus durables et transparentes. Adoptée par l’Union européenne, cette directive impose aux entreprises de nouvelles obligations de reporting en matière de durabilité, allant bien au-delà des simples bilans financiers. En intégrant des informations sur les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), la CSRD vise à garantir une meilleure transparence et une comparabilité accrue des performances des entreprises.
Dans cet article, nous vous expliquons en détail ce qu’est la CSRD, ses objectifs et son impact sur le paysage entrepreneurial européen.
Qu’est-ce que la CSRD ?
La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui se traduit en français par « Directive sur le reporting de durabilité des entreprises » est une directive européenne adoptée pour renforcer les obligations de reporting en matière de durabilité pour les entreprises. Le reporting désigne l’ensemble des processus visant à collecter, analyser, et présenter des données ou des informations concernant les activités d’une organisation ou d’un projet. Le but du reporting est de fournir aux décideurs, gestionnaires, et parties prenantes, un aperçu clair et structuré de la performance, des risques, ou de l’état d’avancement d’une activité. On a l’habitude de voir des reportings financiers avec des bilans, des chiffres d’affaires, ou opérationnels, comme des reporting de gestion sur la performance par exemple. Les reportings extra-financiers comme ceux sur les ressources humaines et la durabilité sont plus récents et évoluent : la CSRD remplace la précédente directive appelée NFRD (Non-Financial Reporting Directive) et vise à améliorer la qualité, la transparence et la comparabilité des informations non financières publiées par les entreprises. Elle couvre les aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
L’origine de la CSRD : Une initiative de la Commission européenne
La CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) est une initiative de la Commission européenne, l’organe exécutif de l’Union européenne. La Commission européenne a proposé la directive dans le cadre de son engagement à renforcer la durabilité et la transparence des entreprises, en s’inscrivant dans le cadre du Green Deal européen, une stratégie globale visant à faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone d’ici 2050. La Commission européenne, sous la présidence d’Ursula von der Leyen, a proposé la CSRD en avril 2021. Cette proposition faisait partie du plan d’action pour la finance durable, qui vise à rediriger les flux de capitaux vers des activités plus durables. Avant la proposition, la Commission a mené des consultations avec un large éventail de parties prenantes, y compris des entreprises, des investisseurs, des ONG, des États membres de l’UE, et d’autres institutions pour recueillir des avis sur l’amélioration du reporting de durabilité. Des études ont également été commandées pour évaluer l’impact de la directive. Après la proposition par la Commission, la directive a été soumise au processus législatif de l’Union européenne, qui implique le Parlement européen (qui a examiné, amendé, et approuvé la proposition), et le Conseil de l’Union européenne, qui représente les États membres et qui a également examiné et approuvé la directive. Et enfin, l’adoption finale : la directive a été officiellement adoptée par le Parlement européen et le Conseil de l’UE en novembre 2022. Elle est entrée en vigueur début 2023, avec des premières obligations de reporting pour les entreprises à partir de 2024. La CSRD fait partie du Green Deal européen plus large, qui vise à faire de l’Europe le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050. La directive garantit que les efforts des entreprises en matière de développement durable s’alignent sur les objectifs environnementaux ambitieux de l’UE.
Ses principaux objectifs
Un, des premiers objectifs, est la transparence et la facilitation de la comparaison, le rapport de la CSRD vise à fournir aux parties prenantes, y compris les investisseurs, des informations claires et comparables sur la durabilité des entreprises, couvrant des aspects environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). La directive standardise le contenu et le format des rapports de durabilité, rendant plus facile la comparaison entre les entreprises et les secteurs. De plus, le champ d’application est élargi par rapport à la NFRD, la CSRD s’applique à un plus grand nombre d’entreprises, y compris celles qui sont cotées en bourse, les grandes entreprises non cotées et certaines PME. Cela signifie que davantage d’entreprises seront tenues de publier des rapports de durabilité détaillés. Il y a un contrôle systématique, une vérification obligatoire, les rapports de durabilité devront être soumis à une vérification par un auditeur indépendant, ce qui renforce la crédibilité des informations fournies. Et même si c’est une directive européenne, elle est alignée sur les standards internationaux. La CSRD s’aligne sur les standards internationaux existants, tels que les recommandations du GRI (Global Reporting Initiative) et les principes de l’IFRS (International Financial Reporting Standards).
Contenu des rapports exigés par la CSRD
Les entreprises doivent fournir des informations sur plusieurs aspects, notamment, les impacts environnementaux de l’entreprise comme la réduction des émissions de CO2, l’utilisation des ressources, la gestion des déchets, mais aussi sur des aspects sociaux, comme les conditions de travail, les droits humains, la diversité et l’inclusion, etc. Et enfin sur la gouvernance de l’entreprise et ses politiques en matière de lutte contre la corruption, de gestion des risques, etc.
Pourquoi la CSRD est-elle nécessaire ?
La nécessité du CSRD découle de plusieurs facteurs, premièrement, les investisseurs, les consommateurs et les autres parties prenantes s’intéressent de plus en plus aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ils veulent des informations claires, comparables et fiables sur la manière dont les entreprises abordent des questions telles que le changement climatique, les droits de l’homme, la diversité et la durabilité. De plus, face aux préoccupations croissantes concernant le changement climatique et l’épuisement des ressources, le rapport CSRD contribue à promouvoir un comportement d’entreprise plus responsable en exigeant que les entreprises divulguent leur impact environnemental et leurs efforts pour relever ces défis.
Comparaison entre la NFRD et la CSRD
Auparavant, le NFRD a accordé trop de flexibilité aux entreprises dans la manière dont elles déclaraient les données sur le développement durable, ce qui a conduit à des informations incohérentes et non comparables. Le CSRD cherche à établir des exigences de reporting standardisées et obligatoires pour toutes les entreprises relevant de son champ d’application, améliorant ainsi la comparabilité entre les secteurs et les pays. En obligeant les entreprises à rendre compte des risques et opportunités en matière de développement durable, le CSRD garantit qu’elles prennent en compte les risques à long terme pour leur entreprise, tels que ceux posés par le changement climatique ou les problèmes sociaux, améliorant ainsi leurs processus de gestion des risques.
Le champ d’application s’est étendu. En effet, le NFRD s’appliquait à environ 11 000 grandes entreprises et entités d’intérêt public. La CSRD élargit le champ d’application à toutes les grandes entreprises et à certaines petites et moyennes entreprises (PME), touchant potentiellement jusqu’à 50 000 entreprises. Cela garantit une adoption plus complète et plus répandue de pratiques durables.
Les entreprises concernées par la CSRD
Le rapport de développement durable est obligatoire pour toutes les grandes entreprises, qu’elles soient des entreprises publiques ou privées. Les entreprises doivent rendre compte de la manière dont les questions de durabilité les affectent et de la manière dont elles affectent les personnes et l’environnement. Le reporting doit se conformer aux normes de durabilité de l’UE.
La CSRD est conçue pour soutenir la transition vers une économie plus durable en garantissant que les parties prenantes ont accès à des informations fiables et cohérentes sur la durabilité, permettant une meilleure prise de décision.
Exemple d’application de la CSRD : le cas d’EcoWear
Prenons l’exemple d’une grande entreprise européenne cotée en bourse, spécialisée dans la production de vêtements, appelée EcoWear.
Si on rappelle le contexte, avant la mise en place de la CSRD, EcoWear était déjà soumise à la NFRD (Non-Financial Reporting Directive). Sous cette ancienne directive, l’entreprise fournissait des informations de base sur ses efforts en matière de durabilité, notamment en ce qui concerne ses émissions de gaz à effet de serre, ses initiatives de recyclage, et les conditions de travail dans ses usines.
Nouvelles exigences de reporting environnemental
Avec l’introduction de la CSRD, EcoWear doit désormais respecter des exigences de reporting beaucoup plus strictes et détaillées. Dans un exemple de rapport EcoWear doit détailler son impact environnemental, ses émissions de CO2 : EcoWear doit maintenant détailler non seulement ses émissions directes (Scope 1 ou cadre 1) mais aussi celles liées à l’énergie qu’elle consomme (cadre 2) et celles de sa chaîne d’approvisionnement (cadre 3). Par exemple, le rapport pourrait indiquer séparément chacune des cadres : 10 000 tonnes de CO2 pour le cadre 1, dans le cas du cadre 2 : 5 000 tonnes de CO2 et 50 000 tonnes de CO2 pour le cadre 3.
Définition d’objectifs clairs et mesurables
EcoWear doit définir des objectifs de réduction clairs et mesurables pour réduire ses émissions, par exemple, une réduction de 30 % d’ici 2030, avec des étapes annuelles. Les émissions de CO2 ne sont pas les seules données analysées : le rapport doit détailler la consommation d’eau dans toutes les usines, y compris les efforts pour recycler l’eau et réduire la consommation totale. La provenance des matières premières est aussi détaillée : EcoWear pourrait indiquer que 60 % de ses matériaux sont issus de sources durables et expliquer comment elle prévoit d’augmenter ce pourcentage à 80 % d’ici 2025.
Les aspects sociaux font aussi partie des données accessibles : EcoWear doit fournir des informations détaillées sur les conditions de travail dans ses usines, y compris les audits de conformité sociale effectués dans les installations des fournisseurs. L’entreprise pourrait indiquer la proportion de femmes dans son personnel de direction (par exemple, 40 %) et les initiatives pour promouvoir la diversité à tous les niveaux de l’entreprise.
Enfin, EcoWear doit détailler sa structure de gouvernance, y compris le rôle du conseil d’administration dans la supervision des questions de durabilité. Le rapport inclut des informations sur les politiques mises en place pour prévenir la corruption et les résultats des évaluations de risques effectuées dans les régions où elle opère.
Et bien sûr, toutes les informations fournies dans le rapport doivent être vérifiées par un auditeur externe pour garantir leur exactitude et leur conformité avec les standards CSRD. Par exemple, l’auditeur pourrait confirmer que les chiffres d’émissions de CO2 sont corrects et que les objectifs de réduction sont réalistes.
L’impact de la CSRD sur l’évaluation des performances
Grâce à la CSRD, le rapport de durabilité d’EcoWear devient plus transparent, détaillé et comparable à celui de ses concurrents. Les investisseurs, les clients et les régulateurs peuvent désormais mieux évaluer les performances environnementales et sociales de l’entreprise, ce qui renforce sa crédibilité et pourrait même influencer positivement sa valeur sur le marché. La CSRD oblige les entreprises comme EcoWear à adopter une approche plus rigoureuse et transparente en matière de durabilité, ce qui les pousse à améliorer leurs pratiques et à répondre aux attentes croissantes de la société en matière de responsabilité environnementale et sociale.
La CSRD représente un pas significatif vers une plus grande responsabilité et transparence des entreprises en matière de durabilité, répondant ainsi aux attentes croissantes des investisseurs, des consommateurs, et des régulateurs pour des pratiques commerciales plus durables.