Quels sont les individus qui constituent une colonie d’abeilles à miel ?

Les abeilles à miel sont des insectes sociaux, avec un système de caste chez les femelles. On peut voir des différences morphologiques physiologiques et comportementales entre les individus des 2 groupes de femelles, des 2 castes :

  • De l’extérieur, les reines sont plus grandes, elles ont l’abdomen plus long et le thorax plus large
  • Les ouvrières possèdent, sur la dernière paire de pattes, une corbeille à pollen que n’ont pas les reines.
  • Leur morphologie interne est elle aussi différente. En effet, les ovaires des reines sont développées et fonctionnelles. Elles ont aussi une spermathèque qui permet de stocker le sperme des mâles lors de l’accouplement. Les ouvrières peuvent, elles, produire de la gelée royale, de la cire et possèdent une glande de Nasanov. Les 2 castes produisent du venin.
  • Les ouvrières stériles et les reines fertiles produisent aussi des phéromones différentes.

Comment se développent les abeilles à miel ?

De façon naturelle, une reine pond des œufs. Elle peut pondre 2 types d’œufs si elle s’est accouplée avec au moins un mâle :

  • Si elle pond des œufs fécondés, la larve et l’adulte qui émergera à la fin du développement sera une femelle. Cette femelle peut être stérile si c’est une ouvrière ou fertile si c’est une reine.
  • Si la reine pond un œuf non fécondé (aucun spermatozoïde ne sortant du canal de la spermathèque) cet œuf donnera un faux-bourdon : un mâle d’abeille. Les mâles d’abeille sont donc des individus haploïdes (1n chromosome) et les femelles des 2 castes sont diploïdes (avec 2 n chromosomes).

De l’œuf à l’adulte il faudra 21 jours pour obtenir un imago d’ouvrière, 24 jours pour un mâle et 16 jours pour une reine.

L’imago est l’insecte adulte par opposition aux stades larvaires. Les femelles comme les mâles restent 3 jours au stade œuf, puis ces œufs vont éclore et une petite larve va naître. La petite larve va muer environ 5 fois en 8 jours pour une reine, mais la cellule royale sera operculée au bout de 6 jours.

Il faudra 10 jours pour un faux-bourdon, avec une operculation de la cellule au bout de 7 jours, et 10 jours aussi pour une ouvrière avec l’operculation au bout de 6 jours. Au début de l’operculation toutes les larves sont sous forme de prénymphe, pendant 2 jours pour les femelles et 3 jours pour les mâles. Puis les mâles comme les femelles entrent en nymphose proprement dite puis émergent.

Comment se reproduisent les abeilles ?

Les abeilles se reproduisent par essaimage, grosso modo, la colonie se sépare en 2. Lors de l’essaimage, la reine part avec une partie des butineuses. La « vieille » reine et une partie de la colonie va se poser en dehors de la ruche sur un support et devenir un essaim. Quelques éclaireuses vont chercher un nouvel endroit pour établir la colonie : une ruche vide un tronc d’arbre creux, une petite caverne, un derrière de volet … et 24 à 48 heures plus tard tout l’essaim va rejoindre le nouveau gîte pour fonder une nouvelle colonie.

Les ouvrières restées dans la ruche vont élire quelques larves au rang de futures reines. On ne sait pas pourquoi ni comment elles choisissent ces larves-ci plutôt que d’autres, cela reste toujours un mystère. Les reines élues se développent au sein de la colonie, la première qui sort grignote les cocons des autres pour les tuer. Si plusieurs sont sorties en même temps, elles se battent jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une. La future reine va rester une semaine environ dans la ruche puis, un après- midi, quand la température sera bonne (un peu au-dessus de 20°C et sans pluie) la reine va effectuer plusieurs vols de fécondation. Elle va s’accoupler avec plusieurs mâles, entre 10 et 20 environ. Le sperme de chacun de ces mâles va migrer dans la spermathèque de la reine et elle pondra tous ses œufs fécondés à partir de son stock de spermatozoïdes.

Les reines se rendent au sein d’une congrégation de mâles. On ne sait pas non plus pourquoi ces congrégations se forment à certains endroits et pas à d’autres et on ne sait pas non plus pourquoi ces congrégations sont pérennes d’une année sur l’autre. Les faux-bourdons les trouvent et les reines vierges aussi.

Mais de façon naturelle les abeilles se reproduisent par essaimage sans intervention de l’homme.

Il arrive que l’on parle de reines bourdonneuses, cela signifie que ces reines ne pondent plus que des faux-bourdons, leur spermathèque étant vide, elles ne peuvent plus pondre d’œufs fécondés, donc plus de femelle. Dans ces cas la colonie est vouée à l’extinction. C’est la fin de vie de la reine qui arrive plus ou moins tôt au cours de sa vie. Les vols de fécondation ayant été plus ou moins réussis au début de sa vie d’adulte, la quantité de sperme contenu dans sa spermathèque et son rythme de ponte déterminera sa durée de vie.

Comment choisir les abeilles que l’on veut multiplier ?

Comme éleveur d’abeilles, on peut nous-mêmes choisir de faire élever les larves que nous choisissons. On va choisir une colonie qui produit beaucoup de miel, c’est souvent le premier critère pour un apiculteur. On met aussi l’accent sur la douceur des abeilles ce qui est souvent plus agréable pour les manipulations, et surtout en milieu urbain lorsque les densités de populations humaines sont élevées autour de la colonie, travailler avec des abeilles douces dociles et qui ne volent pas dans tous les sens, qui tiennent au cadre comme le disent les apiculteurs est un critère très important.

Une des principales raisons d’avoir des abeilles en milieu urbain est surtout la possibilité d’organiser des activités pédagogiques dans les entreprises, les écoles ou les maisons de retraites.

Les apiculteurs recherchent aussi de futures colonies propres, c’est-à-dire capables de lutter elles-mêmes efficacement contre des maladies comme la loque, ou d’avoir des comportements sanitaires appropriés contre les varroas, comme l’épouillage par exemple. Enfin lorsque La Colonie (ou les colonies élues !) a été identifiée il n’y a plus qu’à !!!

Il faudra aussi choisir des colonies qui donneront les mâles. Pour cela, il faut respecter une certaine diversité dans l’apport des spermatozoïdes des mâles. Le déterminisme du sexe a une particularité chez les abeilles : au locus sexuel s’il y a un seul allèle alors cela donne un mâle, les mâles étant haploïdes, ils ne peuvent pas avoir 2 allèles. Les femelles doivent avoir 2 allèles différents, être hétérozygotes pour ce locus sinon elles sont éliminées par les ouvrières à un stade larvaire précoce. Il faut donc une grande diversité génétique chez les mâles fécondants (différents des allèles de la reine) pour ne pas avoir trop de femelles homozygotes au locus sexuel. Attention au degré d’apparentement entre les colonies qui donneront les femelles à greffer et les colonies qui seront pourvoyeuses de mâles.

Quel est le principe de l’élevage de reine ?

Il faut choisir les larves qui deviendront de futures reines et les faire élever par des abeilles.

On choisit une colonie dans laquelle on aura enlevé la reine. Ensuite, il faut que chacune des futures reines en nymphose émerge dans une petite colonie constituée pour l’occasion. Il faut aussi que des faux-bourdons matures sexuellement et en quantité suffisante soient présents aux alentours du rucher de fécondation. Il faut que les reines vierges qui vont faire leurs vols de fécondation trouvent la congrégation de mâles la plus proche de leur rucher pour se faire féconder. Souvent pour aider les colonies dites à mâles on peut leur fournir des cadres avec des alvéoles plus gros, ou d’autres artifices pour inciter les ouvrières à construire des cellules pour mâles. Les faux-bourdons sont souvent la variable d’ajustement de la colonie si une période de mauvais temps et donc de baisse d’entrants (nectar, pollen) dure. Attention c’est le point faible de l’élevage : la qualité des mâles ! Ne pas oublier de nourrir les colonies à mâles en plus des colonies éleveuses si on souhaite un élevage réussi.

Il y a moyen d’aller plus loin et de contrôler les fécondations complètement en récupérant les spermes des mâles que l’on souhaite. Il faut faire appel à la fécondation artificielle. Cela demande une logistique et un environnement sanitaire plus strict que le seul repiquage des larves femelles. Cette méthode permet de contrôler complètement la génétique des abeilles et d’obtenir des reines sélectionnées comme n’importe quel animal d’élevage. Mais comme pour le choix des colonies qui élèveront des faux-bourdons pour des fécondations naturelles attention à conserver une certaine diversité génétique.

Que fait-on concrètement ?

Au sein de la colonie qui coche toutes les cases de productivité, douceur et santé, l’apiculteur repique des larves de moins de 24 h. Elles sont toutes petites et elle baignent dans un bain de gelée royale. Pour ça on peut utiliser toutes sortes de petits instruments comme un pinceau très fin, ou un accessoire de dentiste modifié avec une petite surface plate au bout appelé « picking » pour passer sous la petite larve baignant dans la gelée en la soulevant et la repositionner dans une cupule en plastique ou en cire. A partir du moment où ces larves de reine sont operculées on a 2 choix :

1. continuer de les faire élever par la colonie orpheline

2. les retirer pour que la nymphose se déroule en couveuse.

Il y a des avantages et des inconvénients dans les 2 cas :

Si on sort les cellules de reine de la ruche orpheline pour la couveuse, celle-ci peut recevoir un nouvel apport de cellules royales repiquées plus tôt.

Une ruche orpheline ne tombe pas en panne d’électricité par exemple par rapport à une couveuse. Les abeilles qui élèvent leur reine gèrent elles-mêmes la température et maintiennent 34,5°C pour un développement optimal des cellules royales.

Quoi qu’il arrive, il faut que dans les 2 cas les futures reines finissent leur nymphose. Il faut ensuite, un jour avant leur émergence, les introduire dans leur future colonie.

Pour ça il faut avoir prévu de petites colonies qu’on appelle nucléi ; ce sont de petites quantités d’abeilles ouvrières jeunes qui ne demandent qu’à élever une reine et qu’on laisse enfermées 24 heures avec la cellule royale dans cette mini ruche. Lorsqu’on ouvre la porte de cette mini ruche elles se sont habituées à l’odeur et au bruit de leur nouvelle reine pas encore émergée et elles l’adoptent à sa sortie.

Le taux d’acceptation de la reine est faible si la reine vierge est déjà sortie de la cellule, mais très élevé si elle émerge dans le nucléi.

Il faut toujours avoir à l’esprit que la météo influence le comportement des abeilles et leur « motivation » pour l’élevage et l’acceptation des reines sous forme de cellule juste prête à émerger ou de reine fécondée en cagette. L’age des abeilles et la quantité d’abeilles qui formeront l’unité colonie d’introduction est aussi un facteur important.

En conclusion

Tout est une question d’organisation et de maîtrise du temps : 1,5 /2 mois avant le greffage des larves il faut que les reines des colonies à mâles les pondent, car il leur faut 24 jours pour se développer et plusieurs semaines pour devenir matures.

Il faut que les reines des colonies choisies pour le greffage pondent des œufs pour que de petites larves soient prêtes à être greffées 4 jours plus tard.

Il faut que les colonies orphelines de reine soient prêtes à recevoir les cupules greffées le jour J.

Il faut prévoir les nucléi pour que les reines vierges émergent dedans 10 jours après le greffage sans fautes.

Il faut contrôler la ponte de la reine fécondée dans le nucléi le plus tard possible 2-3 semaines après l’introduction pour voir si sa façon de pondre est jolie, c’est-à-dire en forme de colimaçon.

Les éleveurs de reines répètent l’opération, ils cueillent les reines fécondées et laisse les nucléi vides prêts à recevoir un nouveau lot de cellules royales.

Pour en savoir plus :

Si vous souhaitez en savoir plus vous pouvez consulter « L’élevage des reines par Gilles Fert aux éditions Rustica, 2010 » et / ou « Hérédité chez l’abeille et les colonies d’abeilles par Bernard Sauvager ANERCEA, 2019 ».