Non les éléphants n’ont pas peur des souris ! Par contre, ils ne sont pas fans des abeilles !
Les « clôtures d‘abeilles »

En Afrique et en Asie, les agriculteurs utilisent des ruches comme une méthode naturelle pour éloigner les éléphants des champs cultivés. Le Kenya est un pionnier dans l’utilisation des abeilles pour éloigner les éléphants. Le Dr Lucy King, une chercheuse du programme Save the Elephants (sauver les éléphants), a développé ce concept et l ‘a popularisé dans les zones rurales du pays. Les clôtures d’abeilles sont utilisées pour protéger les cultures et limiter les conflits entre les humains et les éléphants. En Tanzanie, les clôtures d’abeilles sont utilisées dans les régions proches des parcs nationaux pour réduire les interactions entre les éléphants et les agriculteurs. Ce programme aide à protéger les cultures tout en favorisant la coexistence (la survie des éléphants est menacée, et l’acceptation de ces imposants mammifères par les populations locales est un point crucial). Au Botswana,qui comprend une population d’éléphants parmi les plus importantes d’Afrique, on utilise également des clôtures d’abeilles dans certaines régions rurales pour limiter les dégâts sur les cultures. L’Ouganda et la Zambie ont également adopté des programmes similaires dans des zones où les éléphants sont souvent en conflit avec les communautés locales. En Asie, en Inde, où les conflits homme-éléphant sont fréquents, les clôtures d’abeilles ont été testées dans des États comme le Karnataka et le Tamil Nadu. Elles sont particulièrement utiles dans les régions où les éléphants migrent à travers des zones cultivées. Au Sri Lanka, les clôtures d’abeilles sont utilisées dans certaines régions rurales pour protéger les cultures des éléphants, en particulier dans les zones où les éléphants se déplacent fréquemment à travers les terres agricoles.
Ces programmes sont généralement efficaces pour réduire les incursions d’éléphants dans les champs agricoles. En plus de protéger les cultures, ils offrent une source supplémentaire de revenus aux agriculteurs grâce à la production de miel.
Quel type de ruches ?
Les types de ruches utilisées pour les clôtures contre les éléphants ne sont généralement pas des ruches standards comme les ruches Dadant ou Langstroth, qui sont couramment utilisées en apiculture commerciale en Europe. Ces systèmes de protection privilégient des ruches simples, légères et faciles à suspendre. Ce peut être des ruches cylindriques ou traditionnelles fabriquées en bois, en bambou ou en matériaux locaux (comme l’écorce ou des bidons recyclés). L’avantage c’est qu’elles sont peu coûteuses à fabriquer, elles sont légères, ce qui facilite leur suspension le long des clôtures. Elles sont simples à entretenir et à utiliser. Ces ruches sont souvent utilisées dans les zones rurales où les ressources pour des ruches standards sont limitées. Une ruche classique dans ce type d’utilisation est la ruche kényane ou à barrettes supérieures (Top-Bar Hives en anglais). Ce sont des ruches horizontales avec des barrettes supérieures sur lesquelles les abeilles construisent leurs rayons. Elles peuvent être fabriquées localement à faible coût. Elles sont faciles à inspecter et à entretenir, et conviennent bien aux abeilles locales, notamment les abeilles africaines. Elles sont populaires dans les projets de conservation en Afrique en raison de leur simplicité.

De quelles adaptations spécifiques ont besoin ces ruches de clôture ?
Les ruches utilisées dans les clôtures sont souvent modifiées pour être suspendues à des fils ou des structures en bois afin de former une barrière. Elles doivent être suffisamment robustes pour résister aux mouvements de la clôture lorsque les éléphants essaient de passer. Les ruches doivent être facilement déplaçables pour s’adapter à l’évolution des besoins des agriculteurs. Ce sont donc des ruches suspendues robustes et légères. Pourquoi ce ne sont pas des ruches Dadant ou Langstroth ? Parce que ces ruches sont plus lourdes et compliquées à suspendre, ce qui les rend inadaptées pour des clôtures d’abeilles. Elles sont coûteuses et nécessitent plus d’équipements pour leur gestion. Et l‘ objectif principal des clôtures à abeilles vise avant tout à dissuader les éléphants et non à maximiser la production de miel.
Les ruches utilisées dans les clôtures sont généralement des modèles simples, locaux et adaptés à une installation suspendue. Les ruches kényanes ou des ruches cylindriques artisanales sont privilégiées pour leur efficacité, leur coût faible et leur compatibilité avec les abeilles locales.
Comment fonctionne le côté répulsif pour les éléphants ?

Les « clôtures d’abeilles » sont constituées de ruches suspendues reliées par des fils. Si un éléphant tente de traverser la clôture, les ruches bougent, déclenchant l’activité des abeilles. Ces clôtures ont un effet sur la communication des éléphants. Des études montrent que les éléphants utilisent des vocalisations spécifiques (une sorte de « signal d’alerte ») pour avertir leur groupe de la présence d’abeilles. Ces vocalisations témoignent d’une mémoire sociale et d’une capacité d’apprentissage impressionnante chez les éléphants. Les abeilles jouent un rôle essentiel dans la préservation de l’équilibre écologique en éloignant les éléphants des zones où leur présence pourrait causer des dégâts. Cela protège les forêts, les cultures et les écosystèmes locaux.
Pourquoi les abeilles ciblent-elles la trompe ?
Les éléphants ont pu être en contact avec les abeilles auparavant ou découvrent les capacités « de nuisance » de celles-ci. Il arrive que les abeilles puissent tenter de s’approcher ou même d’entrer dans la trompe des éléphants. Elles peuvent essayer d’y trouver à boire. Mais elles cibleront aussi des zones sensibles comme les yeux et les oreilles. Cela constitue une des raisons principales pour lesquelles les éléphants craignent autant ces insectes.
La trompe est une zone vulnérable chez les éléphants, car elle est richement innervée, souple, et dépourvue de la couche de peau épaisse qui protège le reste de leur corps. Si une abeille pénètre dans la trompe, cela peut être extrêmement irritant et douloureux pour l’éléphant, d’autant plus que les abeilles piquent pour se défendre. Lorsqu’ils perçoivent le danger (bourdonnement d’abeilles), les éléphants réagissent rapidement pour éviter une attaque, ils s’éloignent de la zone, ils agitent leurs oreilles, ils produisent des sons spécifiques pour alerter leur troupeau. Ils peuvent également souffler violemment par leur trompe pour dissuader les abeilles de s’approcher. Les éléphants apprennent très vite à associer le bourdonnement des abeilles au danger. Même si une rencontre antérieure avec des abeilles n’a pas été grave, leur instinct les pousse à éviter tout contact potentiel. Les éléphants apprennent rapidement à associer les abeilles aux clôtures et les évitent.

Les programmes utilisant des abeilles pour éloigner les éléphants grâce aux « clôtures d ‘abeilles », ont été mis en place principalement en Afrique et en Asie. Ce ne sont donc pas toujours les mêmes espèces ou sous-espèces d’abeilles qui y participent.
Les espèces d’abeilles utilisées pour les clôtures sont généralement des abeilles mellifères, réputées pour leur comportement défensif et leur capacité à piquer efficacement. En Afrique, c’est souvent l’abeille africaine (Apis mellifera scutellata). Cette sous-espèce d’abeille mellifère est bien connue pour son comportement défensif et son agressivité accrue par rapport à d’autres abeilles. Elle réagit rapidement aux perturbations et peut attaquer en grand nombre, ce qui la rend particulièrement efficace pour éloigner les éléphants. L’abeille africaine est indigène à de nombreuses régions d’Afrique où ces programmes sont mis en place. En Asie, l’abeille asiatique (Apis cerana) est utilisée par les populations locales. C’est une espèce indigène, plus petite et moins agressive que l’abeille africaine. Elle produit du miel et réagit efficacement aux menaces, mais son comportement défensif est modéré comparé à Apis mellifera scutellata. Elle est quand même utilisée car elle est adaptée aux climats asiatiques et disponible localement. Dans certaines régions, elle est l’espèce dominante pour la production de miel et la pollinisation. Dans certains cas, des ruches contenant des abeilles mellifères hybrides (mélanges d’espèces locales avec Apis mellifera) sont utilisées. Ces abeilles combinent les traits utiles des deux espèces, comme une meilleure résistance et une production de miel plus élevée. Les critères de sélection pour les abeilles utilisées sont tout d’abord leur comportement défensif. Les abeilles capables de réagir fortement aux perturbations sont privilégiées, car elles déclenchent une réponse rapide des éléphants. De plus, les abeilles utilisées doivent être adaptées aux conditions environnementales locales pour assurer leur survie et leur reproduction, et aussi les espèces indigènes sont préférées pour limiter les impacts écologiques négatifs. En conclusion, les abeilles africaines (Apis mellifera scutellata) et asiatiques (Apis cerana) sont les principales espèces utilisées dans les programmes de clôtures d’abeilles pour éloigner les éléphants. Ces espèces sont choisies pour leur comportement défensif naturel, leur disponibilité locale et leur capacité à coexister avec les agriculteurs, tout en offrant un moyen durable de produire du miel.
De la même manière, les clôtures d’abeilles concernent plusieurs espèces d’abeilles, mais aussi plusieurs espèces d’éléphants. En Afrique, on a (Loxodonta africana et Loxodonta cyclotis). L’éléphant de savane d’Afrique (Loxodonta africana) est présent dans les savanes, les prairies et les forêts claires d’Afrique subsaharienne. Ce sont les éléphants les plus fréquemment impliqués dans les intrusions dans les cultures agricoles en raison de leur proximité avec les zones cultivées. Les éléphants de savane montrent une forte aversion pour le bruit des abeilles et leurs piqûres, en particulier autour de leur trompe, de leurs oreilles et de leurs yeux. Mais il existe une deuxième espèce : l’éléphant de forêt d’Afrique (Loxodonta cyclotis), il habite les forêts denses d’Afrique centrale et occidentale. Ces éléphants sont également impliqués dans des conflits liés aux cultures, bien que leur comportement soit moins étudié que celui des éléphants de savane. Les clôtures à abeilles sont efficaces pour cette espèce, bien que leur déploiement soit plus complexe dans les zones forestières. En Asie, on trouve l’éléphant d’Asie (Elephas maximus) qui est réparti dans les forêts, les plaines et les régions montagneuses d’Asie du Sud et du Sud-Est. Les éléphants d’Asie sont fréquemment impliqués dans des incursions dans les cultures, particulièrement dans des pays comme l’Inde, le Sri Lanka et la Thaïlande. Comme leurs homologues africains, les éléphants d’Asie montrent une aversion pour les abeilles. Les clôtures d’abeilles ont été testées dans des régions comme l’Inde et le Sri Lanka, avec des résultats prometteurs.
Bonus : les cultures protégées par des clôtures d’abeilles contre les éléphants, bénéficient du service de pollinisation !
Les abeilles utilisées dans ces clôtures (souvent des abeilles africaines) peuvent entrer et sortir librement des ruches suspendues le long des clôtures. Elles continuent donc de polliniser les plantes environnantes, y compris les cultures protégées par la clôture. Si les fleurs des cultures sont attrayantes pour les abeilles et se trouvent à une distance raisonnable des ruches, elles seront probablement pollinisées. Certaines cultures dépendent fortement de la pollinisation par les abeilles (comme les fruits et légumes à fleurs), tandis que d’autres sont pollinisées par le vent ou d’autres insectes. Si la culture est adaptée à la pollinisation par les abeilles, elle en bénéficiera. La proximité et la répartition des ruches autour de la clôture influencent la capacité des abeilles à atteindre les fleurs. Si les ruches sont bien réparties, la pollinisation sera plus efficace. Les clôtures d’abeilles sont conçues pour dissuader les éléphants, pas pour bloquer les autres animaux. D’autres pollinisateurs, comme les papillons, les mouches et les oiseaux, peuvent également accéder aux cultures. Donc, non seulement les clôtures à abeilles protègent les cultures des éléphants, mais elles offrent aussi l’avantage d’encourager la pollinisation si les abeilles peuvent circuler librement. Cela peut même augmenter les rendements agricoles, en particulier pour les cultures nécessitant la pollinisation par les insectes.
Quelles cultures sont ainsi protégées ?

Les types de cultures protégées incluent généralement celles qui sont particulièrement attrayantes pour les éléphants ou qui sont d’une grande valeur économique pour les agriculteurs. Ces cultures sont souvent situées à proximité des zones où les éléphants vivent ou migrent. Elles incluent des cultures vivrières de base, des cultures commerciales, ou même horticoles.
Les éléphants sont attirés par certaines plantes en raison de leur richesse en nutriments, de leur goût ou de leur accessibilité. Ces cultures incluent : des bananiers, les éléphants consomment les fruits, les feuilles et les troncs. Le maïs (Zea mays), très apprécié pour ses épis riches en énergie. La canne à sucre, douce et riche en sucres, attire fortement les éléphants. Le manioc (cassava) dont les tubercules et les feuilles sont une source de nourriture riche. Des pastèques et des melons dont les fruits juteux sont particulièrement tentants. Les agriculteurs qui cultivent des aliments de base pour leur subsistance utilisent souvent des clôtures d’abeilles pour protéger du sorgho et du millet. Ces céréales, essentielles pour la nourriture humaine, attirent aussi les éléphants.Tout comme le riz cultivé dans des zones humides, il peut être détruit par les éléphants à la recherche de nourriture ou d’eau. Les cultures cultivées pour la vente, et souvent de grande valeur, bénéficient également de cette protection comme le café et cacao. Les plantations situées en zones forestières peuvent être menacées par les éléphants. Les productions d’huiles (palmier à huile, arachide) peuvent être indirectement affectées par les éléphants lorsqu’ils traversent les champs. Les cultures horticoles de fruits et légumes, qui nécessitent une protection constante, incluent des tomates, aubergines, et poivrons, souvent endommagés par des éléphants traversant les jardins, mais aussi des mangues, avocats et papayes dont les fruits juteux sont souvent prisés par les éléphants.