Qu’est-ce qu’une fausse-teigne ?
La fausse teigne de la cire (ou teigne de la cire) est un papillon nocturne dont les larves se nourrissent des composants de la ruche, surtout la cire et ce qu’elle contient : des restes d’exuvies, du pollen, … Il en existe deux espèces principales : la fausse teigne majeure (Galleria mellonella), la plus fréquente donc appelé de façon vernaculaire juste fausse teigne et la fausse teigne mineure (Achroia grisella) ou la petite fausse teigne.
Quel est leur cycle de vie, leur comportement ?
Les adultes ne vivent que quelques jours (ils ne mangent pas !). Les femelles pondent leurs œufs dans des ruches faibles ou non occupées . Ce sont des papillons, Lépidoptères, les larves sont des chenilles, elles creusent des galeries dans les cires gaufrées, les cadres, les opercules, et parfois même le bois. Elles se nourrissent de cire, de débris de pollen, de restes larvaires d’abeille et de propolis, puis elles tissent des cocons, et se métamorphosent en papillons adultes. Le cycle complet dure de 6 semaines à plusieurs mois selon la température.


D’où sont-elles originaires ?
Ces deux espèces, Galleria mellonella, la fausse teigne et Achroia grisella, la petite fausse teigne, ont une histoire ancienne et sont aujourd’hui cosmopolites, mais elles ont des origines géographiques distinctes intéressantes. L’origine géographique probable de Galleria mellonella serait africaine, plus précisément d’Afrique subsaharienne ou Afrique orientale. Elle s’est ensuite répandue en Méditerranée, au Moyen-Orient, puis dans le reste du monde. Aujourd’hui, elle est présente partout où l’apiculture existe, notamment en Europe, Asie, Amériques, Afrique et Océanie. Galleria mellonella est associée à l’apiculture depuis l’Antiquité : Aristote en parle déjà en -350 av. J.-C. dans ses Historia Animalium, décrivant des vers qui « rongent les rayons » dans les ruches. L’origine géographique d’Achroia grisella est possiblement le sud-est asiatique. Comme Galleria, elle s’est répandue via l’apiculture humaine. Elle est maintenant quasiment cosmopolite, mais reste plus discrète que sa cousine majeure. Les deux espèces se sont propagées via le commerce des ruches, cadres et cires et la sédentarisation de l’apiculture, qui a offert aux teignes un habitat stable. Enfin, le développement du stockage de hausses, favorisant les infestations hors présence d’abeilles.
Une coévolution avec Apis mellifera ? Oui, et pas seulement ! Elles peuvent aussi s’installer dans des colonies d’autres abeilles comme Apis cerana (l’abeille asiatique), ou d’abeilles sans dard comme chez des Meliponini, plus rarement chez des bourdons, et parfois même dans les nids d’abeilles solitaires, quand ils sont en milieu confiné.
Quel problème en apiculture ?
Elles dégradent les cadres de cire stockés ou dans les ruches peu défendues. Elles affaiblissent les colonies déjà fragiles (malades, orphelines). Les larves peuvent provoquer le blocage de la ponte de la reine par gêne mécanique. En apiculture, on redoute surtout les invasions en miellerie ou en pièce de stockage des cadres. On en voit souvent autour des abeilles dans les colonies en pleine forme : elle ne pose aucun problème. Par contre dans une ruche vide ou du stockage de hausses ou de ruches dans un endroit chaud et non ventilé, elles réduisent en miettes les cadres et font des trous dans le bois pour loger leurs cocons.
Pour les gérer au mieux, il faut penser fausses-teignes et faire un peu de prévention : ne jamais stocker de cadres de cire non nettoyés ou humides. Il faut toujours conserver les cadres dans un endroit sec, frais et aéré, ou exposé à la lumière (elles n’aiment pas). Un traitement par le froid fonctionne, si les cadres sont récupérables mais plein de cocon, un passage dans un congélateur à minimum -10°C pendant 48 h stoppe le développement des papillons. L’acide acétique en fumigation douce, en chambre de stockage, peu aussi être utilisé.
La petite fausse-teigne est à l’origine de ce qu’on appelle le couvain chauve : les larves d’abeilles ressortent des alvéoles et celle-ci ne peuvent pas être operculées. On voit donc les abeilles en métamorphose, pas couvertes par un opercule parce que la larve de petite fausse-teigne s’est frayé un chemin à la base des alvéoles, on peut suivre le chemin de la larve de petite fausse-teigne à la base des alvéoles en regardant la série d’abeilles en métamorphose sans opercule.
Ce sont des insectes très utiles car utilisés pour des applications de loisir ou médical.
Eh oui, contre toute attente, en recherche médicale, la fausse teigne Galleria mellonella est utilisée comme modèle biologique pour tester des antibiotiques, et étudier les réactions immunitaires (c’est un modèle « remplaçant » parfois les souris en labo !). De plus, une étude a montré que ses enzymes digestives (en particulier la « cire-nase ») peuvent dégrader le polyéthylène ! Ce n’est pas encore appliqué à grande échelle, mais la recherche continue sur cette voie de bioremédiation. Les fausses-teignes auraient une capacité de biodégradation du plastique ! C’est une affaire à suivre…
En résumé, la fausse teigne, commensale de l’apiculteur, est parfois un peu envahissante mais amie du chercheur, elle est donc parfois un peu destructrice dans le matériel apicole, mais pleine de ressources pour la science et l’environnement.
Il y a donc des élevages de Galleria mellonella !
Les larves de Galleria mellonella, souvent appelées vers de cire ou « vers de miel », sont très prisées comme appâts pour la pêche, surtout pour la truite, la perche, le poisson-chat, et d’autres poissons d’eau douce. Et oui, cela a donné lieu à de véritables élevages commerciaux, totalement indépendants de l’apiculture. L’élevage de Galleria mellonella est une activité à part entière. Si on connaît les meilleures conditions d’élevage on va pouvoir comprendre pourquoi elles se développent rapidement ou pas dans le matériel apicole.


L’élevage des fausses-teignes
Les larves sont élevées hors de toute ruche, dans des bacs plastiques ou des boîtes en bois à parois lisses pour éviter que les larves ne grimpent. Les couvercles sont perforés et on ajoute une gaze pour la ventilation. Elles n’aiment pas les courants d’air. A contrario, il faut stocker le matériel apicole à l’extérieur, au vent mais sous un préau pour le protéger de la pluie.
Les larves sont ensuite placées sur un substrat artificiel riche en farine de blé, ou de maïs, mais aussi en miel ou sirop sucré, elles sont suppléées avec la levure ou de la poudre de protéines, en ajoutant de la cire d’abeille râpée on améliore la croissance ! Certains élevages « industriels » utilisent des formules sans cire pour baisser les coûts.
Voici un exemple de recette efficace pour nourrir les fausses-teignes pour réaliser 1kg de substrat, il faut 500 g de farine de blé ou de maïs, 200 g de miel ou de sirop de glucose, 50 g de levure de boulangère, 100 g de cire d’abeille râpée, 100 g de glycérine (qui garde l’humidité) et de l’eau tiède 50 à 100 ml. Ensuite, on mélange jusqu’à obtenir une pâte souple, non collante et on laisse reposer une nuit avant usage. On peut démarrer avec quelques centaines de larves achetées en magasin de pêche ou élevées à partir de papillons adultes. Si on a des œufs, il faut les placer directement sur le substrat. Les larves creusent le substrat et se nourrissent en y creusant des galeries. Les conditions d’élevage optimales ont une température entre 28 et 34°C, une humidité entre 60 et 70%.
Le cycle complet dure environ 6 semaines, dans l’obscurité de préférence. A 30°C, le stade œuf dure entre 3 et 5 jours, le stade larves (il y en a 6) entre 20 et 30 jours, la nymphose dure entre 7 et 10 jours et la vie de l’adulte, le papillon entre 5 et 10 jours. Les papillons ne mangent pas, ils pondent rapidement, puis meurent. Une femelle pond 300 à 600 œufs en 1 à 2 jours. Il faut prévoir un bac de ponte séparé avec de vieux cartons, du papier ou du tissu pour permettre aux papillons de pondre. Les œufs tombent ou sont grattés puis introduits dans un nouveau bac de substrat. Il faut éviter le surpeuplement, sinon les larves se cannibalisent ou ralentissent leur croissance.
Elles sont vendues vivantes dans des boîtes aérés avec du son ou de la sciure, elles sont disponibles en magasins de pêche, en animaleries, ou encore en ligne, elles sont aussi utilisées comme nourriture pour reptiles, oiseaux insectivores, ou poissons exotiques. Des éleveurs amateurs élèvent aussi Galleria à petite échelle dans des bacs plastiques ou caisses en bois, parfois comme complément pour les poules ou pour nourrir d’autres animaux en laboratoire !
Pour l’entretien et l’hygiène de l’élevage, il faut enlever les larves mortes, les moisissures et les résidus. Il faut aussi changer le substrat tous les 1 à 2 mois, de plus, pour éviter les acariens, il faut nettoyer les bacs entre les générations. Enfin, pour conserver et ou utiliser les chenilles, on utilise la température : pour ralentir le développement ou stocker les chenilles, on les place les larves au frais entre 8 et 10°C. Ainsi, Elles deviennent léthargiques. Pour la pêche ou l’alimentation il faut les garder dans un petit pot avec son ou sciure sèche. L’ajout de cire d’abeille râpée booste la croissance et le goût. On peut introduire des morceaux de carton ondulé pour la nymphose : les larves adorent y faire leur cocon. Si l’élevage sent mauvais ou moisit : il faut abaisser l’humidité et renouveler le substrat. La température a donc un effet majeur sur le développement de Galleria mellonella. Voici ce qui se passe si on baisse la température en élevage.
À partir de 20°C et en dessous, le cycle de vie ralentit fortement :
Température | Effet sur le développement |
---|---|
28–34°C | Optimal : croissance rapide, bon taux de ponte |
20–25°C | Cycle plus long (jusqu’à 2–3 fois plus lent) |
15–20°C | Croissance quasi arrêtée, métabolisme ralenti |
< 10°C | Les larves entrent en léthargie, ne mangent plus |
L’impact sur les stades de vie commence sur les œufs, leur éclosion plus lente (pouvant passer de 3 jours à 10–15 jours). Les larves sont très peu actives, voire immobiles, elles peuvent rester dans un état larvaire plusieurs semaines sans grossir. Pour les nymphes, la métamorphose est très ralentie, voire bloquée sous 15°C. Chez les adultes, il y a peu ou pas d’émergence, et si papillons il y a, ils seront moins actifs, avec une ponte réduite. Attention : en dessous de 4°C, le risque de mortalité augmente, surtout si l’humidité est élevée, ce qui est très mauvais pour un élevage, mais un bon point pour le stockage des hausses et d’autre matériel apicole ! Par contre, dès qu’on remonte au-dessus de 25°C, tout repart : les larves reprennent leur croissance, les œufs éclosent en quelques jours et les adultes émergent et se reproduisent rapidement.
Lorsque l’on connaît les meilleures conditions d’élevage, on peut adapter ses pratiques apicoles pour ne pas se trouver dans la meilleure situation pour élever des fausses-teignes !
En conclusion
En comprenant mieux le cycle et la biologie des fausses-teignes, l’apiculteur peut transformer ce « ravageur » en simple indicateur de bonnes pratiques : stockage des cadres au frais, aération du matériel et surveillance régulière évitent la prolifération, tandis que la congélation ou la fumigation restent de précieuses solutions de secours. Pour consolider ces défenses, explorez aussi nos dossiers « Parasites de la ruche : identifier et prévenir » et « Bonne hygiène du rucher : conserver vos cadres », ainsi que notre focus « Varroa : stratégies de gestion durable » ; vous y trouverez des conseils complémentaires pour protéger durablement vos colonies et valoriser chaque cadre de cire.
