La pollinisation par les mammifères est beaucoup moins courante que la pollinisation par les insectes, mais plusieurs espèces de mammifères jouent un rôle important dans ce processus.
On parle de mammalophilie pour désigner la pollinisation effectuée par les mammifères. Cette forme de pollinisation se retrouve principalement chez des plantes des écosystèmes tropicaux et désertiques. C’est pour ça, qu’en tant qu’européen, on croise peu de mammifères pollinisateurs et certains n’en ont même jamais entendu parler.
Comme les mammifères sont plus étudiés que les insectes, on a des précisions.
Voici les principaux groupes de mammifères qui participent à la pollinisation, avec des exemples notables.
Premier groupe de mammifères placentaires pollinisateurs : les chauves-souris (Chiroptera)

Les chauves-souris nectarivores et frugivores sont les mammifères pollinisateurs les plus importants. Voici quelques exemples de chauve-souris pollinisatrices :
- Leptonycteris yerbabuenae nectarivores du désert, pollinisant les agaves et les cactus en Amérique.
- Eonycteris spelaea qui pollinise les fleurs de durian en Asie, et quelques espèces de roussettes.
- Pteropus spp. pollinisant les baobabs et d’autres arbres tropicaux africains par exemple.
Leurs rôles : le transport du pollen sur leur museau et leur pelage. Elles pollinisent des plantes produisant des fleurs nocturnes riches en nectar.
Deuxième groupe : les rongeurs
Les plantes pollinisées par des mammifères présentent des adaptations spécifiques. Les fleurs sont grandes, robustes, souvent pendantes. Elles ont une production abondante de nectar riche en énergie, pour leurs consommateurs. Elles présentent des couleurs neutres ou ternes (blanc, vert, crème), leur parfum est musqué, fermenté ou sucré, attractif pour les mammifères nocturnes. Les fleurs sont ouvertes la nuit pour coïncider avec l’activité de ces mammifères. Ces pollinisateursassurent la pollinisation croisée et la diversité génétique, indispensables à la reproduction des plantes qui dépendent uniquement d’eux.
Des plantes d’importance commerciale, comme les agaves (tequila), le durian ou les baobabs, dépendent de la pollinisation par les mammifères !
La tequila et Leptonycteris nivalis (ou le mezcal et Leptonycteris yerbabuenae)
Une chauve-souris emblématique des déserts d’Amérique
La pollinisation par Leptonycteris nivalis, communément appelée chauve-souris à nez long du sud ou long-nosed bat en anglais, est un exemple emblématique de pollinisation par les chauves-souris (chiropterophilie). Cette chauve-souris joue un rôle crucial dans les écosystèmes désertiques d’Amérique du Nord et centrale, notamment dans les régions arides du Mexique et du sud-ouest des États-Unis. Cette chauve-souris à nez long est une petite chauve-souris avec un corps de 8 à 9 cm de long. Elle possède un museau allongé et une langue extensible couverte de papilles, adaptés pour atteindre le nectar au fond des fleurs tubulaires.
Elle se nourrit principalement de nectar, mais elle consomme également du pollen et des fruits. Elle est présente dans les déserts de Sonora et de Chihuahuan, ainsi que dans les zones arides du sud des États-Unis (Arizona, Nouveau-Mexique) et du Mexique. Elle migre sur de longues distances en fonction des saisons, suivant la floraison des plantes.
Une chauve-souris emblématique des déserts d’Amérique


En se nourrissant, elle pollinise les agaves : notamment Agave tequilana, l’agave utilisé pour produire le tequila ! Les fleurs des agaves produisent de grandes quantités de nectar, particulièrement attractives pour cette chauve-souris.
Elle pollinise aussi les cactus columnaires, comme les saguaro (Carnegiea gigantea) et les cardón (Pachycereus pringlei). Ces plantes caractéristiques des déserts arides dépendent fortement des chauves-souris pour leur pollinisation. Les fleurs sont morphologiquement adaptées à la pollinisation par ces mammifères, elles sont tubulaires et leur floraison est nocturne, adaptée à l’activité des chauves-souris. Elles produisent une grande quantité de nectar riche en sucres. Elles sont de couleurs pâles (blanches ou jaunes) pour être visibles dans l’obscurité. Elles ont, de plus, une odeur musquée ou fermentée pour attirer les chauves-souris. Leptonycteris nivalis visite les fleurs la nuit pour se nourrir de nectar, et ce faisant, elle pollinise les fleurs. Elle insère son museau dans la fleur et étire sa longue langue pour collecter le nectar. Sa fourrure entre en contact avec le pollen, qui s’y accroche. Elle dépose le pollen collecté avec les poils de son museau sur le stigmate de la fleur suivante, permettant la fécondation. Les agaves et les cactus ont évolué en dépendant fortement des chauves-souris pour leur reproduction.
Une espèce clé pour l’écosystème et l’économie
Cette interaction mutualiste garantit un apport alimentaire pour les chauves-souris et la pollinisation pour les plantes. La chauve-souris à nez long est un pollinisateur clé des agaves et des cactus, qui sont des espèces structurantes des écosystèmes arides.
Ces plantes fournissent des ressources vitales pour d’autres espèces animales. En consommant des fruits (notamment ceux des cactus), ces chauves-souris participent également à la dispersion des graines, contribuant ainsi à la régénération des plantes.
En plus de l’importance écologique de ces interactions, les agaves pollinisés par ces chauves-souris incluent des variétés utilisées pour la production de tequila, soulignant leur rôle dans l’agriculture et l’économie locale et leur importance économique. On peut penser que ces habitats sont relativement épargnés, mais les défis de conservation comme la non préservation, en particulier les grottes utilisées pour la reproduction, ou au cours des migrations, menace leurs populations. La modification des cycles de floraison due au réchauffement climatique perturbe la migration des chauves-souris. Attention aussi à l’utilisation intensive des agaves. La récolte des agaves avant leur floraison prive les chauves-souris d’une source essentielle de nectar.
On peut se réjouir pour les Leptonycteris nivalis, l’espèce était auparavant considérée comme menacée, mais grâce à des efforts de conservation (création de sanctuaires, sensibilisation), ses populations montrent des signes de récupération. Elle est actuellement classée comme préoccupation mineure (Least Concern) par l’UICN, mais sa dépendance aux plantes spécifiques la rend vulnérable. Des grottes identifiées comme sites de repos et de reproduction sont maintenant protégées et la collaboration avec les producteurs de tequila pour adopter des pratiques durables, comme la préservation de certaines plantes pour la pollinisation et non leur utilisation avant floraison, a donné des bons résultats.
Les baobabs d’Afrique, de Madagascar et d’Australie

Les fleurs de baobabs (genre Adansonia) sont principalement pollinisées par des chauves-souris frugivores et nectarivores. Les espèces les plus impliquées dans cette pollinisation varient selon les régions dans lesquelles les baobabs se trouvent. Les principales espèces de chauves-souris associées à la pollinisation des baobabs incluent en Afrique, la roussette paillée africaine (Eidolon helvum), À Madagascar, la roussette de Madagascar (Pteropus rufus) et en Australie, la petite chauve-souris nectarivore (Syconycteris australis)
En Afrique, la Roussette paillée africaine, une grande chauve-souris frugivore répandue au sud du Sahara, est connue pour son rôle dans la pollinisation des baobabs africains, notamment Adansonia digitata. En se nourrissant de nectar et de pollen des fleurs, elle transporte le pollen entre les arbres. Elle n’est pas la seule, plusieurs espèces de chauves-souris à épaulettes (Epomophorus spp.), frugivores et nectarivores sont également impliquées dans la pollinisation des baobabs. Elles visitent les grandes fleurs ouvertes la nuit pour accéder au nectar. À Madagascar, la roussette de Madagascar, espèce endémique de l’île, joue un rôle clé dans la pollinisation des baobabs malgaches comme Adansonia grandidieri, Adansonia suarezensis, et Adansonia za. Elles visitent les grandes fleurs nocturnes, qui produisent beaucoup de nectar pour les attirer. Bien que les baobabs australiens (Adansonia gregorii) soient principalement pollinisés par les abeilles et les oiseaux, il existe des preuves que certaines chauves-souris nectarivores contribuent également à leur pollinisation.
Les fleurs de baobabs sont adaptées à la pollinisation par les chauves-souris, elles ont une ouverture nocturne, les fleurs des baobabs s’ouvrent en fin de journée ou au crépuscule, coïncidant avec l’activité des chauves-souris. Les fleurs sont grandes, robustes et pendantes, ce qui permet aux chauves-souris de s’accrocher pour se nourrir. Elles produisent beaucoup de nectar sucré pour attirer les chauves-souris. Les fleurs dégagent une odeur musquée ou fermentée, particulièrement attrayante pour ces pollinisateurs nocturnes. Les chauves-souris ont un rôle écologique, elles assurent la pollinisation croisée, essentielle pour la reproduction des baobabs. Les baobabs sont des espèces clés dans leurs écosystèmes, fournissant nourriture, abri et ressources à d’autres animaux. Leur reproduction dépend des chauves-souris pollinisatrices. Les interactions sont mutualistes : les chauves-souris bénéficient du nectar comme source d’énergie, tandis que les baobabs reçoivent une pollinisation efficace. Bien sûr, la perte d’habitat due à la déforestation représente une menace pour les chauves-souris, la chasse directe egalement, ainsi que l’effet du changement climatique ou de l’activité humaine sur la disponibilité des fleurs de baobabs. Protéger les chauves-souris pollinisatrices est crucial pour la survie des baobabs, qui jouent un rôle écologique et culturel fondamental dans les régions où ils poussent.
Les durians et les roussettes asiatiques

Trois espèces clés dans la pollinisation du durian
En Asie, plusieurs espèces de chauves-souris frugivores pollinisent les fleurs de durian (Durio spp.), notamment des espèces comme Durio zibethinus, qui est le durian cultivé pour ses fruits très prisés. Les principales chauves-souris pollinisatrices du durian appartiennent à la famille des Pteropodidae (roussettes). On trouve la chauve-souris nectarivore des grottes (Eonycteris spelaea) qui est l’espèce de chauve-souris la plus importante pour la pollinisation des durians, on la rencontre en Asie du Sud-Est, y compris en Malaisie, en Indonésie, en Thaïlande et aux Philippines. Elle se nourrit principalement de nectar et de pollen. Sa longue langue (adaptée pour extraire le nectar des fleurs profondes) et son comportement de visite nocturne, en font un pollinisateur très efficace. Une autre espèce, la chauve-souris à courtes ailes (Cynopterus brachyotis) frugivore et courante en Asie du Sud-Est, consomme principalement des fruits, mais elle participe également à la pollinisation du durian lorsqu’elle visite les fleurs pour du nectar. Une troisième espèce, la chauve-souris à langue longue (Macroglossus minimus), toujours nectarivore et vivant Asie du Sud-Est contribue à la pollinisation en visitant les fleurs nocturnes des durians.
Des fleurs adaptées aux chauves-souris
Les fleurs de durian s’épanouissent la nuit, synchronisant leur floraison avec l’activité des chauves-souris. Elles produisent du nectar riche en sucres pour attirer les chauves-souris. Elles émettent un parfum puissant pour les attirer en particulier. La structure des fleurs grandes et pendantes permet un accès facile aux chauves-souris, qui s’y suspendent pour atteindre le nectar.
Une pollinisation vitale pour l’économie locale
Les chauves-souris comme Eonycteris spelaea transportent le pollen des étamines vers les stigmates des fleurs, assurant une pollinisation croisée essentielle pour la production de fruits de durian. Le durian est un fruit de grande valeur économique en Asie du Sud-Est. Sans les chauves-souris, la production de durians pourrait être gravement compromise, car ces fleurs ne sont pas adaptées à la pollinisation par le vent ou les insectes. En plus de polliniser les durians, ces chauves-souris contribuent à la pollinisation d’autres plantes tropicales et participent à la dispersion des graines dans les écosystèmes forestiers. Comme pour les autres espèces de chauves-souris, la déforestation et l’urbanisation réduisent les habitats naturels des chauves-souris. Elles sont parfois chassées pour leur viande ou en raison de croyances culturelles, ce qui menace leurs populations. Les pratiques agricoles intensives peuvent les affecter en contaminant les fleurs qu’elles visitent.
Les chauves-souris, en particulier Eonycteris spelaea, jouent un rôle essentiel dans la pollinisation des durians, garantissant non seulement la reproduction de cette plante, mais aussi le maintien d’une ressource économique vitale en Asie du Sud-Est. Leur conservation est cruciale pour préserver les écosystèmes tropicaux et l’industrie du durian.

Récapitulatif des plantes pollinisées par les chauves-souris
Les plantes pollinisées par les mammifères comprennent le kapok (Ceiba pentandra), les grandes fleurs du kapokier, un arbre tropical, sont visitées par des chauves-souris nectarivores, les bananiers sauvages du genre Musa (Musa spp.) dépendent des chauves-souris pour leur pollinisation. Bien que les variétés cultivées soient souvent propagées de manière végétative, certaines bananes sauvages nécessitent des chauves-souris pour produire des fruits.
Certains arbres de la famille des Myrtacées comme Eucalyptus spp., dont certaines fleurs attirent des chauves-souris nectarivores. Et d’autres plantes tropicales diverses, des arbres comme Parkia biglobosa (arbre à néré) dont les gousses produisent des graines utilisées pour préparer des condiments africains, et Ochroma pyramidale (balsa) sont également pollinisés par des chauves-souris.
Très prisé en Asie du Sud-Est, le durian dépend largement des chauves-souris pour la pollinisation. Les fruits riches en vitamine C des baobabs dépendent des chauves-souris pour leur développement. Les fruits des cactus pollinisés par les chauves-souris incluent les pitayas ou fruits du dragon (Hylocereus spp.). Les fruits des arbres kapokiers avec leurs graines entourées de fibres utilisées pour fabriquer des matelas ou des coussins. Certaines mangues sauvages, goyaves et figues dépendent partiellement des chauves-souris.
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