2ème partie – les rongeurs et les primates

On a vu précédemment que les chauves-souris pollinisaient les agaves, les baobabs et les durians, mais pollinisent d’autres espèces de plantes. Les chauves-souris jouent un rôle clé dans la pollinisation de nombreuses fleurs et la production de plusieurs types de fruits. Cette forme de pollinisation, appelée chiropterophilie, est courante dans les régions tropicales et désertiques, où de nombreuses plantes dépendent de ces pollinisateurs nocturnes. Les fleurs pollinisées par les chauves-souris présentent des adaptations spécifiques, comme une ouverture nocturne, une production abondante de nectar et des parfums musqués. Les chauves-souris ne sont pas les seuls mammifères pollinisateurs.

Certains rongeurs visitent les fleurs pour leur nectar et leur pollen. On peut citer quelques espèces, comme la gerbille des sables (Gerbillurus paeba) en Afrique australe, pollinisant des plantes comme Protea. Le rat rayé africain, (Rhabdomys pumilio) impliqué aussi dans la pollinisation des Protea en Afrique du Sud. Quelques primates visitent les fleurs et peuvent accidentellement transporter du pollen. Par exemple chez les lémuriens, le vari noir et blanc (Varecia variegata) pollinise le Ravenala madagascariensis (arbre du voyageur) à Madagascar. Toujours chez les primates, certaines espèces de singes, comme les tamarins ou les singes capucins, consomment du nectar et interagissent avec des fleurs tropicales. On trouve aussi quelques pollinisateurs au sein des musaraignes (Eulipotyphla) comme la musaraigne musquée (Suncus murinus) et des petits mammifères insectivores (Macroscelidea) comme les musaraignes éléphants (Elephantulus spp.) qui pollinisent des plantes en Afrique.

Les mammifères marsupiaux, comme les opossums souris (Marmosa spp.) pollinisant des fleurs tropicales en Amérique du Sud, mais aussi d’autres espèces notamment en Australie et en Nouvelle-Guinée, participent à la pollinisation en visitant des fleurs pour leur nectar.

Ces animaux transportent le pollen sur leur fourrure en explorant les fleurs pour se nourrir. On peut noter le Phascogale pygmée ou opossum pygmée (Cercartetus concinnus), un petit marsupial nectarivore qui pollinise des fleurs d’eucalyptus et de banksia. On peut aussi parler de la souris à miel (Tarsipes rostratus) spécialisée dans la consommation de nectar et de pollen des plantes australiennes. Ces marsupiaux ont souvent une longue langue adaptée pour accéder au nectar.

La gerbille à pattes poilues du désert

La pollinisation par Gerbillurus paeba, également connue sous le nom de gerbille à pattes poilues du désert, est un exemple fascinant de pollinisation par les mammifères, bien que ce type de pollinisation soit beaucoup plus rare que celle réalisée par les insectes, les oiseaux ou le vent. Cette gerbille est un petit rongeur vivant dans des environnements arides, principalement en Afrique australe, et elle joue un rôle inattendu dans les écosystèmes désertiques.

Certaines plantes du désert sont adaptées à la pollinisation par la gerbille à pattes poilues. Un exemple emblématique est le lychnos blanc du désert (Protea spp.), qui produit de grandes fleurs proches du sol. Ces fleurs dégagent souvent des odeurs musquées ou fermentées qui attire les gerbilles. En se nourrissant, elles entrent en contact avec les parties reproductrices de la fleur (étamines et stigmates), transportant ainsi le pollen d’une fleur à l’autre. Les fleurs de Protea présentent les caractéristiques classiques des fleurs adaptées à la pollinisation par les mammifères. Elles sont proches du sol : accessibles aux petits rongeurs. Le nectar abondant offre une source d’énergie riche, leur parfum fort et musqué, les attire. Et bien sûr la période de floraison est nocturne coïncidant avec l’activité nocturne de la gerbille.

Dans des environnements arides où les insectes pollinisateurs peuvent être rares, Gerbillurus paeba joue un rôle important dans la reproduction de certaines plantes typique des milieux désertiques. L’interaction est de type mutualiste : la gerbille bénéficie du nectar comme source d’énergie et les plantes dépendent de la gerbille pour transporter leur pollen.

La pollinisation par les mammifères contribue à la diversité et à la résilience des plantes désertiques face aux conditions extrêmes. Bien que Gerbillurus paeba ait été identifié comme pollinisateur, ce phénomène reste peu documenté et mérite davantage de recherches pour mieux comprendre son importance écologique.

La destruction des habitats et les changements climatiques pourraient affecter ces interactions spécialisées, mettant en péril les plantes et leurs pollinisateurs. Gerbillurus paeba est donc un exemple unique de mammifère jouant un rôle clé dans la pollinisation, en particulier dans les environnements désertiques. Cette relation illustre l’incroyable diversité des stratégies de reproduction des plantes et l’importance des interactions animales dans les écosystèmes les plus extrêmes.

Le rat rayé africain (Rhabdomys pumilio)

Il joue aussi un rôle unique dans la pollinisation des Protea en Afrique du Sud, ce groupe de plantes emblématiques de la région du fynbos. Bien que la pollinisation par des rongeurs soit moins courante que celle par des insectes ou des oiseaux, certaines espèces de Protea ont évolué pour tirer parti des petits mammifères nectarivores comme Rhabdomys pumilio.

Une interaction fascinante dans un écosystème riche

Voici les détails de cette interaction fascinante. Les Protea et Rhabdomys pumilio coexistent dans les écosystèmes du fynbos sud-africain, une région riche en biodiversité. Ces plantes se trouvent souvent dans des environnements arbustifs et rocheux où les rongeurs sont actifs.

Le rat rayé africain visite les inflorescences des Protea pour se nourrir de nectar. Pendant qu’il explore les fleurs pour le nectar, son museau, ses pattes et sa fourrure entrent en contact avec les étamines et les anthères, où le pollen est produit. Le pollen colle à la fourrure du rat lorsqu’il se déplace d’une fleur à une autre, permettant ainsi la pollinisation croisée. Cela améliore la diversité génétique des Protea, ce qui est crucial pour leur reproduction et leur survie.

Certaines espèces de Protea montrent des caractéristiques spécifiques adaptées à la mammalophilie (pollinisation par les mammifères), comme pour les interactions avec la gerbille, les inflorescences des Protea sont adaptées à la pollinisation par les rongeurs sont souvent situées près du sol, à portée des petits mammifères. Les fleurs sont souvent larges, solides et durables, capables de résister aux interactions physiques avec les rongeurs. Contrairement aux fleurs attractives pour les insectes, ces fleurs produisent peu ou pas de parfum floral sucré, mais peuvent avoir une odeur légèrement musquée, attirant les mammifères. Le nectar des Protea mammalophiles est souvent produit en grande quantité et facilement accessible, sans nécessiter de pièces florales complexes. Le pollen est conçu pour coller efficacement à la fourrure des rongeurs, augmentant les chances de transfert entre fleurs.

Un maillon complémentaire de la pollinisation

En complément des oiseaux comme les souimangas et des insectes diurnes, Rhabdomys pumilio assure la pollinisation nocturne et à basse altitude. Cette redondance est essentielle pour garantir la reproduction des Protea dans des environnements variables.

Le nectar des Protea est une source alimentaire essentielle pour Rhabdomys pumilio, en particulier pendant les périodes où les graines et autres ressources sont rares. Les Protea sont des plantes clés dans le fynbos, jouant un rôle dans la stabilisation des sols, le soutien de la biodiversité et la création d’habitats pour de nombreuses espèces. Le rat rayé est actif aussi bien de jour que de nuit, maximisant les opportunités de pollinisation. C’est un omnivore opportuniste, en plus de consommer le nectar, il peut se nourrir de graines, d’insectes et d’autres matières végétales, contribuant également à la dispersion des graines dans certains cas.

La perte d’habitat due à l’urbanisation et à l’agriculture intensive menace à la fois Rhabdomys pumilio et les Protea. Les feux de brousse fréquents dans le fynbos, bien qu’essentiels pour la régénération de l’écosystème, peuvent affecter les cycles de vie des plantes et des pollinisateurs.

Protéger les habitats naturels du fynbos est crucial pour maintenir ces interactions écologiques uniques. Le rat raillé est un exemple fascinant de petit mammifère jouant un rôle écologique vital dans la pollinisation des Protea. Cette interaction met en lumière la diversité des stratégies de pollinisation et l’importance de préserver les écosystèmes comme le fynbos pour protéger des interactions biologiques uniques et complexes.

Comment Varecia variegata pollinise le Ravenala madagascariensis ?

Le Varecia variegata est frugivore et nectarivore, ce qui signifie qu’il se nourrit non seulement de fruits, mais aussi de nectar provenant des fleurs. Lorsqu’il se nourrit du nectar de Ravenala madagascariensis, il entre en contact avec les parties reproductrices de la fleur, en particulier les étamines (qui contiennent le pollen) et le pistil (l’organe femelle).

Le Ravenala madagascariensis produit un nectar riche et abondant, ce qui attire les lémuriens comme le Varecia variegata. Le lémurien, en quête de nectar, se rend régulièrement sur les grandes fleurs en forme de mains ouvertes de Ravenala. Ces fleurs sont disposées en grands faisceaux et sont particulièrement adaptées aux pollinisateurs comme les lémuriens.

En utilisant son nez allongé pour atteindre le nectar situé au fond des fleurs, le Varecia variegata entre en contact avec les étamines, qui libèrent le pollen. Le pollen se fixe sur la fourrure du lémurien, en particulier autour de son visage, de son nez et de sa bouche. En visitant une autre fleur de Ravenala madagascariensis, le Varecia variegata dépose le pollen qu’il a transporté d’une fleur à l’autre, assurant ainsi la pollinisation croisée entre les plantes.

Les fleurs de Ravenala madagascariensis ont évolué pour être particulièrement adaptées à la pollinisation par des lémuriens et d’autres grands pollinisateurs tels que les oiseaux. Les fleurs de Ravenala sont grandes et accessibles pour les primates, avec une structure robuste capable de supporter l’interaction physique avec les lémuriens. Les fleurs sont disposées de manière à être faciles d’accès pour des animaux grimpeurs comme le Varecia variegata, qui peut atteindre les têtes de fleurs situées à une hauteur raisonnable. Le nectar est produit en grande quantité pour attirer les lémuriens et d’autres pollinisateurs potentiels. La forme de la fleur de Ravenala est conçue pour encourager un contact direct avec les parties reproductrices, facilitant le transfert de pollen lors de l’alimentation des lémuriens. Le Varecia variegata, bien que moins efficace que certains autres pollinisateurs (comme les insectes ou les oiseaux), joue néanmoins un rôle important dans la pollinisation de Ravenala madagascariensis. Cela permet à cette plante de produire des graines viables et de maintenir la diversité génétique au sein de ses populations. La pollinisation par le Varecia contribue à la reproduction et à la survie des populations de Ravenala, particulièrement dans les écosystèmes de forêt tropicale humide où ces plantes sont abondantes.

Le Varecia variegata, en se nourrissant du nectar de Ravenala madagascariensis, participe activement à la pollinisation de cette plante en transférant le pollen entre les fleurs. Cette interaction est un excellent exemple de pollinisation par des primates dans les écosystèmes tropicaux, mettant en lumière l’importance des lémuriens pour le maintien de la biodiversité à Madagascar.

À l’occasion de la Journée mondiale de la Terre, Bee Planète, rappelle l’importance des pollinisateurs, y compris les mammifères, dans le maintien de la biodiversité.