Les congrégations de faux-bourdons (Drone Congregation Areas, ou DCA) peuvent attirer plusieurs espèces d’oiseaux insectivores, surtout celles qui chassent en vol plané ou en vol actif, fréquentant les couches d’air dans lesquelles les faux-bourdons se rassemblent. On a vu que les mâles d’abeille et les reines vierges sont capables de trouver ces zones d’une année sur l’autre sans que l’on comprenne comment ils en sont capables.

Quid de leurs prédateurs ? D’après les analyses de certains contenus stomacaux on peut identifier quelques prédateurs qui trouvent ces zones de rassemblement.

Oiseaux prédateurs des congrégations de faux-bourdons :

Voici une petite revue des oiseaux qui peuvent impacter les congrégations de mâles d’abeilles, à divers degrés :

  • Le guêpier d’Europe (Merops apiaster) c’est le prédateur le plus direct et ciblé dans les régions où il est abondant. Ce n’est pas le cas en région parisienne, sa limite septentrionale étant le sud de la Seine et Marne, il est présent mais sa densité de population en fait un très mauvais prédateur pour les DCA d’Ile de France. Sa technique de chasse est la suivante, il repère les zones riches en proies volantes et les exploite activement. Il est capable de revenir au même spot chaque année, comme ses proies.
  • Le martinet noir (Apus apus), c’est un grand chasseur d’insectes aériens, très rapide et agile, lui est présent en Île de France (mais aussi dans toute la métropole et plus globalement sur l’Eurasie) pendant la belle saison. Il peut capturer des faux-bourdons en vol, surtout en période de pics (mai-juin), mais ce n’est pas sa cible principale. Il vole souvent plus haut que les guêpiers, mais ses zones de chasse recoupent les DCA. Il n’a qu’un impact modéré, car c’est un opportuniste vis à vis des proies.
  • L’hirondelle rustique (Hirundo rustica) et les autres hirondelles sont présentes dans les mêmes habitats que les abeilles. Elles chassent les insectes en vol, en rase-mottes ou à moyenne hauteur. Elles peuvent attraper des faux-bourdons lors de vols bas, surtout si les mâles se dispersent après un échec de fécondation. L’impact est faible à modéré, mais non négligeable s’il y a une forte densité d’hirondelles autour des ruchers.
  • L’étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris), il est moins spécialiste du vol que les oiseaux précédents, mais peut chasser de jeunes insectes ailés en vol court. Il y a peu d’évidence directe de prédation sur les DCA, mais il peut profiter des regroupements. Son impact est faible, mais à surveiller dans certains cas.
  • Les faucons insectivores sont aussi capables de prédation dans les DCA, surtout les crécerelles, et les hobereaux, le faucon hobereau (Falco subbuteo), qui chasse parfois des insectes aériens, y compris les grosses proies comme les libellules. Il est rare, mais peut exceptionnellement capturer des abeilles mâles. L’impact très ponctuel, mais potentiellement spectaculaire quand il se produit.
  • Le moineau domestique (Passer domesticus) n’est pas un chasseur aérien, mais a été observé capturant des abeilles à proximité des ruches ou lors de vols bas. Il est peu probable qu’il cible les DCA en vol, mais il peut intercepter les faux-bourdons à la sortie des ruches. L’impact est mineur, mais observable.

En résumé, qui poserait vraiment problème dans les DCA ?

Oiseau Type de vol Prédation ciblée ? Impact potentiel
Guêpier d’Europe Vol actif, précis Oui Élevé
Martinet noir Vol rapide, large Non (opportuniste) Modéré
Hirondelles Vol moyen-bas Non (opportuniste) Modéré
Faucon hobereau Vol plané / chasse Rarement Faible / ponctuel
Étourneau & moineau Vol court ou posé Non Faible

Lorsqu’on regarde la carte de répartition de la nidification des guêpiers d’Europe on voit que les pays concernés en Europe sont ceux du pourtour méditerranéen. Dans des zones riches en ruches (comme certaines régions de Calabre, Crète, Péloponnèse, Sicile, etc.), les DCA peuvent rassembler des milliers de mâles, ces zones de rassemblements sont stables géographiquement, et aussi connues des prédateurs aériens.

Le guêpier est migrateur, il est présent de mai à septembre en Europe. Il est très coloré, c’est un superbe oiseau, parmi les plus colorés que nous pouvons observer en métropole. Il chasse en vol des insectes, dont beaucoup d’abeilles. Il consomme des centaines d’insectes par jour, notamment en nourrissant ses petits. Il ne distingue pas mâle/femelle chez les abeilles, il capture ce qui vole bien, dans la gamme de taille de ses proies. Quand il vole dans les congrégations de faux-bourdons ou les mâles d’abeilles se rassemblent en altitude pour tenter de féconder des reines vierges, il peut en avaler de grands nombres. Or, les guêpiers chassent souvent à proximité des ruchers, et ils ont été observés en train de chasser activement dans les DCA, où ils trouvent une abondance de proies faciles. Une étude grecque (Petanidou et al., 2006) note une forte activité de guêpiers dans les zones de fécondation de reines. Certains apiculteurs locaux signalent une baisse du taux de fécondation, possiblement liée à cette prédation. Des analyses de contenu stomacal ont trouvé des restes de faux-bourdons chez les guêpiers. Il semble que certains guêpiers apprennent à reconnaître les DCA et à s’y rendre systématiquement chaque saison, ce qui pose un risque localisé mais réel. Que peuvent faire les apiculteurs ? Ils peuvent déplacer les ruches loin des falaises et berges où nichent les guêpiers. Ils peuvent aussi varier les emplacements pour éviter que les guêpiers n’apprennent des « routines ».

Quel impact pour les abeilles ?

Quel impact pour les abeilles ?

Si les reines ne trouvent pas assez de mâles, cela peut entraîner des problèmes de fécondation : il y aura moins de colonies viables. C’est un souci surtout dans des zones à faible diversité génétique ou faible densité d’abeilles. Mais dans la majorité des cas, les colonies produisent largement assez de mâles pour compenser cette perte. Donc, l’impact est localement important, mais pas généralisé ni catastrophique à grande échelle.

Les martinets noirs (Apus apus) sont eux de vrais bolides du ciel, ils ont une vie complètement folle. Ils appartiennent à la famille des Apodidés, ils mesurent de 14 à16 cm pour une envergure de 40cm. Ils pèsent entre 35 et 45g et peuvent vivre jusqu’à 20 ans ! Ils sont protégés mais leurs populations sont sensibles aux changements urbains et climatiques. Le martinet noir est presque toujours en vol. Ce n’est pas une blague ! Il mange, boit, dort, et même s’accouple en plein vol. Il ne se pose que pour nicher (généralement dans des anfractuosités en hauteur, comme des trous sous les toits). Hors de la période de reproduction, il passe 10 mois par an sans se poser une seule fois ! D’après des études avec balises GPS, certains parcourent jusqu’à 500 000 km par an. Avec son corps fuselé, ses ailes en forme de faux (très longues et pointues), sa queue courte et légèrement fourchue : toute sa morphologie est faite pour un vol rapide et agile. Il peut voler jusqu’à 110 km/h en vitesse de pointe ! C’est un des oiseaux les plus rapides en vol horizontal. Il est aussi capable de monter à très haute altitude (jusqu’à 3 000 m). Il est 100 % insectivore en ce qui concerne son régime alimentaire. Il attrape en vol des insectes aériens (moucherons, moustiques, pucerons volants, etc.). Il forme une « boulette aérienne » de proies dans sa gorge avant de nourrir ses petits. C’est un allié précieux des apiculteurs, car il mange des abeilles et des prédateurs des abeilles. Il est migrateur, il arrive en France fin avril / début mai (après avoir passé l’hiver en Afrique subsaharienne), il niche dans les cavités (trous de murs, dessous de tuiles, vieux bâtiments…) Il est fidèle à son site de nidification d’année en année. Un couple pond 2 à 3 œufs par an, l’incubation dure 20 jours environ. Les jeunes restent au nid 6 à 8 semaines. Ils font un seul envol… et ne se reposent plus pendant plusieurs années !

Différences avec l’hirondelle

Ils sont souvent confondus, mais attention :

Critère Martinet noir Hirondelle
Ailes Très longues, en forme de faux Plus courtes, en forme d’arc
Queue Fourchue mais peu marquée Très fourchue
Vol Très rapide, haut et erratique Plus bas, plus fluide
Cri Cri strident et perçant en vol Gazouillis, trilles
Comportement Toujours en vol sauf pour nicher Se perche souvent

Le martinet noir est un oiseau en danger. Il souffre de la rénovation des bâtiments modernes qui bouchent les accès à ses nids, il est cavernicole. Il souffre aussi de la chute des populations d’insectes volants (pesticides, pollution lumineuse, etc.) et enfin du changement climatique, qui perturbe ses cycles migratoires. Heureusement, des actions sont menées comme la pose de nichoirs adaptés, maintien de cavités dans les rénovations, etc.

Libellules et faux-bourdons : une interaction réelle mais locale

Les libellules, notamment les grandes espèces peuvent être de véritables prédatrices dans les congrégations de faux-bourdons.

Les faits : des libellules (surtout des grandes anisoptères comme les Anax, Aeshna, ou certaines Libellula) chassent en plein vol, avec une précision impressionnante. Elles sont très actives lors de journées chaudes, en fin de matinée ou début d’après-midi exactement au moment où les faux-bourdons s’envolent en congrégation pour féconder les reines. Les mâles d’abeilles sont souvent plus lourds, un peu maladroits dans leurs premiers vols, donc faciles à attraper pour une libellule expérimentée.

Sur le terrain, des apiculteurs et des chercheurs ont signalé des libellules stationnant en vol à la périphérie des DCA et surtout des captures nettes de faux-bourdons, parfois plusieurs fois de suite. Des comportements « embusqués » de certaines libellules qui semblent attendre l’arrivée des abeilles dans ces zones. « J’ai vu un Anax imperator attraper au moins 4 faux-bourdons en moins de 10 minutes. Il se postait à la lisière d’un champ où les mâles se rassemblaient chaque jour. » (Observation en Italie, juillet 2022).


Impact sur les abeilles ?

Comme pour les guêpiers : l’impact est localement perceptible, surtout si la densité de mâles est faible ou si plusieurs prédateurs s’installent dans la zone. Mais les colonies produisent beaucoup de mâles donc, comme pour les guêpiers, dans des conditions normales, ce n’est pas un danger majeur pour la fécondation des reines.

Cependant, dans un contexte de réduction globale des populations de mâles d’abeilles (pesticides, stress, génétique…), toute prédation devient plus critique. Il est intéressant de noter que les libellules sont anciennes dans l’évolution (300 millions d’années !) et ont développé un système de vision hyper précis : elles peuvent prédire la trajectoire de leur proie. Elles chassent principalement de petits diptères, des papillons, et parfois de grosses proies comme des abeilles ou des bourdons mâles.

Pour conclure, ces congrégations de mâles attirent une biomasse d’insectes non négligeable, donc elles deviennent un point chaud pour les prédateurs volants, qu’ils soient oiseaux ou insectes.

En conclusion

En somme, les congrégations de mâles (DCA) jouent un rôle crucial dans la reproduction des colonies, tout en constituant des zones attractives pour des prédateurs comme le guêpier, le martinet ou l’hirondelle. Ces prédations, bien que généralement limitées, peuvent devenir problématiques si la densité des mâles est faible ou la diversité génétique réduite, mettant en péril la fécondation des reines. Comprendre ces dynamiques est essentiel pour ajuster les pratiques apicoles et préserver l’équilibre local. Pour approfondir, consultez notre article sur les congrégations de mâles et découvrez le rôle des faux‑bourdons, véritables acteurs-clés de ce ballet aérien indispensable à la survie des ruches.