Dans la ruche de votre entreprise suivant l’époque de l’année, il y a entre 10 et 50 000 abeilles qui ont des rôles différents.

Les étapes initiales de la vie de l’abeille ouvrière

Si on commence au début de sa vie, l’abeille ouvrière, est un œuf. Cet œuf est un œuf fécondé pondu par la reine au fond d’un alvéole. Il va mettre 3 jours pour éclore. Pendant ces 3 jours, les autres ouvrières de la colonie vont gérer la température et l’hygrométrie pour un développement optimal. Une fois éclos, l’œuf va donner naissance à une larve.

Comme chez un grand nombre d’insectes, cette petite larve va muer 5 fois, en grossissant et grandissant à chaque fois au fond de l’alvéole. Ensuite cette petite larve va tisser un cocon pour se métamorphoser. 21 jours après la ponte de l’œuf une jeune ouvrière toute poilue va sortir du cocon. On dit qu’elle va émerger. Même si elle est jeune, elle a déjà l’aspect et la taille de l’abeille adulte telle que nous la connaissons.

1. Le rôle de la nettoyeuse

La jeune abeille qui émerge va être nettoyeuse. Elle va nettoyer la cellule dont elle sort et la préparer, ainsi que celles autour, afin qu’elles soient propres et puissent accueillir la nouvelle ponte de la reine.

Elle va également récupérer tout ce qu’elle va trouver, comme des miettes de cocon, des bouts de cire, mais aussi des larves ou des ouvrières mortes et va les transporter vers la porte pour les sortir. Les abeilles sont des animaux très propres.

Elles vivent environ 45 jours au printemps et en été et quelques mois en hiver.

Il peut y avoir beaucoup d’abeilles mortes dans la ruche en fin d’hiver et les nettoyeuses (jeunes abeilles) sont peu nombreuses car la reine pond moins l’hiver.

Et un jour du début de printemps une grande quantité de nettoyeuses émergent et sortent devant la ruche les restes des ouvrières décédées à l’intérieur de la colonie, tombées sur le plancher de la ruche. Du coup, et c’est normal, un grand nombre d’abeilles mortes se retrouvent devant la ruche de votre entreprise et cela vous inquiète en début de printemps.

Paradoxalement, voir autant d’abeilles mortes devant est un signe de vigueur et de renouveau pour la colonie. L’abeille qui vient d’émerger est recouverte de poils et n’est pas capable de piquer, elle ne vole pas non plus.

Les transitions d’un rôle à l’autre sont chevauchantes et les métiers de l’abeille ne suivent pas un enchaînement strict. Les études menées sur des abeilles en train d’effectuer une certaine tache montrent qu’elles ont en moyenne tel ou tel âge. Par exemple l’âge moyen des abeilles qui operculent le couvain est 6 jours.

2. La phase nourricière

Puis, la jeune abeille devient nourrice. Ses glandes à gelée royale (hypopharyngiennes et mandibulaires) se mettent en route. Elles sont les plus développées entre le cinquième et le quinzième jour de vie de l’abeille.

Pour produire cette gelée, la jeune abeille mange beaucoup de pollen. Les protéines du pollen vont être dégradées en acides aminés par le système digestif de l’abeille. Ils seront la base de la gelée.

Elle produit de la gelée royale de qualité moyenne au début puis de haute qualité ensuite.

Le couvain, c’est-à-dire les larves, émettent des signaux chimiques : des phéromones qui induisent le comportement de régurgitation de la gelée royale. La jeune larve qui se nourrit de la gelée royale administrée par ses sœurs et demi-sœurs excrète dans les alvéoles. Les nettoyeuses géreront les déchets lorsque la larve sera métamorphosée et émergée.

Cette gelée est aussi donnée à la reine. Elle contient des facteurs de croissance pour le développement des jeunes larves mais est aussi facilement assimilable par la reine et lui permet de pondre son propre poids en œufs, si besoin, les jours de printemps lorsque le développement de la colonie est exponentielle.

Les nourrices font donc partie de la cohorte d’abeilles qui entoure la reine.

3. L’ouvrière cirière

La cirière est capable de produire de la cire. Elle aussi mange du pollen pour obtenir les acides aminés nécessaires à la synthèse de la cire. Les glandes cirières sont situées sur les sternites abdominaux (sur le dessous de l’abdomen). Les ouvrières collaborent ensemble pour créer les rayons, elles forment une chaîne en se tenant par les pattes.

Concrètement, ce sont de petites paillettes de cire qui sortent des glandes, que les abeilles vont attraper avec leurs pattes et malaxer avec leurs mandibules pour façonner les alvéoles. La cire est comme le verre : malléable à température ambiantes (pour la ruche vers 25-35°C) et cassante froide. Les rayons construits de façon naturelle sont parallèles mais pas forcément rectilignes (dans la ruche, on le voit lorsque les abeilles décident de construire des rayons dans le nourrisseur par exemple).

Mais ils sont rectilignes lorsque l’apiculteur propose des cadres aux abeilles. Avec la structure en bois, ces rayons sont manipulables par l’apiculteur.

Les abeilles vont construire des alvéoles de deux tailles différentes : la majorité seront à la taille des ouvrières mais quelques-unes seront plus grandes, pour accueillir des larves de mâles ou faux- bourdons qui sont plus gros que les ouvrières. Ces alvéoles plus grosses sont souvent produites à la périphérie de la partie couvain.

La cire produite est de couleur écrue, elle est claire, cependant on observe des nuances, par exemple : lorsque les abeilles se sont nourries de pollen de tournesol en grande quantité, la cire a un aspect plus lumineux, orangé.

4. Le rôle de la magasinière

La magasinière, ou manutentionnaire, est préposée à la réception du nectar apporté par les butineuses. Celles-ci transportent le nectar dans leur jabot et par trophallaxie, elles régurgitent le nectar additionné de salive à une magasinière. Cette dernière va le régurgiter dans un alvéole et le réabsorber plusieurs fois.

C’est ainsi que le miel est fait : du nectar collecté par une butineuse, transmis à une magasinière, additionné de salive, déshydraté encore par une ventileuse et lorsqu’il a la bonne hygrométrie, l’alvéole le contenant est operculé par une cirière !

La magasinière va aussi gérer le pollen : la butineuse va se délester de ses pelotes dans un alvéole, puis une magasinière va venir écraser ces pelotes avec ses mandibules en ajoutant de la salive et va y ajouter du nectar. Le pollen sera plus collant et va rester stocker dans les alvéoles ainsi. Les magasinières vont le placer autour du couvain, vers le haut des cadres comme une couronne. Le pollen stocké pour une plus longue durée, comme celui qui sera utilisé par les nourrices en janvier, février à la reprise de ponte de la reine subira une fermentation lactique. Il sera appelé pain d’abeille, il est longue conservation.

5. L’ouvrière ventileuse

La ventileuse est posée sur ses six pattes et fait battre ses ailes tellement vite que ce n’est plus visible à l’œil nu pour nous. Elle gère, pas seule mais en groupe, la circulation d’air au sein de la ruche. Il faut maintenir une température, une hygrométrie et un taux de CO2 optimal pour le développement du couvain et la conservation des réserves.

Lorsqu’il fait chaud, trop chaud, les butineuses sont recrutées pour aller chercher de l’eau et les ventileuses se placent en battant des ailes vigoureusement afin de distribuer de la fraîcheur au couvain.

De plus, lorsque les abeilles ventileuses positionnent leur abdomen vers le haut en arquant l’extrémité vers le bas pour découvrir leur glande de Nasanov tout en battant des ailes, elles diffusent une phéromone de cohésion pour l’ensemble de la colonie.

Cette phéromone est beaucoup utilisée pour l’essaimage : la partie de la colonie prête à partir recrute des butineuses grâce à cette odeur. Du point de vue de l’apiculteur, après une visite longue de la colonie, les abeilles qui se sentent dérangées se regroupent et ventilent avec la glande de Nasanov à découvert pour faire revenir à la normale le comportement du reste des ouvrières de la colonie.

C’est une des rares taches que l’on voit aussi effectuer par les faux-bourdons.

6. Le travail de gardienne

La gardienne est proche de l’entrée de la ruche.

L’abeille va faire ses premiers pas en dehors de la ruche. Elle va sortir et commencer à faire des petits vols devant la ruche, souvent les néo butineuses sortent au moment où le soleil est au zénith vers 13-14h à l’heure d’été pour nous. C’est parfois impressionnant de voir la quantité d’abeilles en vol stationnaire qui regardent la ruche en avril, mai et qui volent pratiquement sur place comme le fait une nuée de moucherons.

Pendant une quinzaine de minutes toutes les abeilles qui ont émergé une vingtaine de jours auparavant sont en vol devant l’entrée de la ruche, elles se « dégourdissent les ailes » et s’imprègnent de l’orientation de la ruche par rapport au soleil à cette heure-ci. Elles décrivent aussi des cercles de plus en plus hauts autour de la ruche. Elles rentrent ensuite dans la ruche puis sont fin prêtes pour leur nouveau rôle.

De la même façon que les autres glandes de l’abeille se sont mises à fonctionner, l’appareil vulnérant de l’abeille va devenir opérationnel, la glande à venin pourra tenir son rôle. Non seulement les gardiennes repèrent les prédateurs comme les guêpes et les frelons, mais aussi les abeilles de la même espèce mais qui appartiennent à une autre colonie. Les abeilles d’une autre colonie n’ont pas la même « odeur » : elles possèdent un bouquet phéromonal différent. Elles sont considérées comme des intrus.

Si les gardiennes détectent un danger elles sont capables d’émettre une phéromone d’alarme (qui sent la banane pour nous) et qui permet de recruter des ouvrières, qui étaient occupées à d’autres taches, pour la défense de la colonie.

C’est une cascade d’événements : les ouvrières gardiennes piquent l’intrus et l’odeur du venin attire d’autres défenseuses de la colonie qui piquent à nouveau au même endroit jusqu’à provoquer la fuite de l’intrus. Elles vont aussi essayer de mordre l’intrus, ce qui n’a que peu d’effet sur la peau d’un mammifère. La force de morsure d’une abeille est totalement négligeable pour nous humains.

7. La mission de la butineuse

La butineuse a plusieurs fonctions. Elle apporte à la ruche de l’eau et du nectar qu’elle stocke dans son jabot, et elle collecte du pollen et de la propolis qu’elle transporte dans les corbeilles à pollen sur ses pattes postérieures. Mais avant de rapporter son butin, elle doit d’abord le trouver ! La butineuse en recherche de nourriture va évoluer dans un rayon de 3 km parfois même jusqu’à 5 km de sa colonie. Elle est capable de transmettre des informations quant à la nature, la distance et l’emplacement des ressources aux autres ouvrières de sa colonie. Elle effectue une danse en 8 sur les rayons verticaux de la ruche. L’angle par rapport à la verticale donne l’angle entre le soleil et l’endroit où se trouve la ressource. La butineuse porteuse de la connaissance donne aussi par trophallaxie la nature de la ressource aux abeilles qui la suivent dans la danse. Le fait que les abeilles soient capables d’apprentissage et de transmission a donné lieu à un prix Nobel sur le comportement animal : celui de Karl Von Frisch en 1973. La vie de l’abeille s’achève au stade butineuse. En fin de vie, elle est souvent glabre donc paraît plus brillante et les bords de ses ailes sont souvent déchiquetés, elle est en piteux état.

La succession des métiers semble nette, mais les abeilles ont la possibilité de retourner à l’état de nettoyeuse, de nourrice, de cirière, … En effet, lorsque la colonie essaime, la vieille reine part avec des butineuses qui sont volantes et qui ont environ plus de vingt jours de vie. L’essaimage se produit lorsque la quantité de butineuses est supérieure à la quantité de nourrices. Or, quand la colonie a trouvé la nouvelle cavité dans laquelle s’établir, il faut des cirières pour construire les rayons d’alvéole, des nettoyeuses pour préparer ces cellules, et des nourrices pour le soin aux larves qui sortiront des œufs pondus par la reine. Un mécanisme de « retour en arrière » dirigé par des signaux hormonaux permet à cette colonie de redémarrer.