Chez BeePlanète, notre engagement pour la préservation de la biodiversité s’enracine dans la science, l’action de terrain et la pédagogie. Depuis plusieurs mois, nous suivons de près la mobilisation citoyenne massive contre la loi Duplomb, un texte qui affaiblit les régulations environnementales autour des pesticides. Mais derrière ce combat, une autre menace plus insidieuse nous préoccupe tout autant : la désinformation sur l’état réel de la biodiversité.

Dans un article publié le 28 octobre 2024, Sciences & Avenir alerte sur cette dérive préoccupante. Intitulé « Désinformation sur la biodiversité : dans le contexte actuel de la COP16, ce genre de discours est un véritable danger », il donne la parole à Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS et figure scientifique reconnue. Son constat est sans appel : le brouillage délibéré du discours scientifique affaiblit la réponse politique et retarde l’action.

Une biodiversité en chute libre : des faits incontestables

Avant de parler désinformation, rappelons les faits.

La biodiversité ne décline pas. Elle s’effondre, à une vitesse sans précédent dans l’histoire humaine. Ce constat n’est ni polémique, ni militant. Il est scientifique et documenté.

🔬 Quelques chiffres clés :

  • 80 % des insectes volants ont disparu en Europe en moins de 30 ans (Hallmann et al., Plos ONE, 2017)
  • Un tiers des colonies d’abeilles disparaît chaque année en France (ITSAP, rapport 2023)
  • 66 % des espèces de papillons de jour ont disparu d’au moins un département français (INPN, 2024)
  • –33 % d’oiseaux des champs depuis 1989, selon les suivis du CNRS et du MNHN
  • Et côté santé humaine : 99 % des Français présentent des traces de pesticides dans leurs urines, dont certains reconnus comme perturbateurs endocriniens ou cancérogènes (Santé Publique France, 2024)

Ce ne sont pas des extrapolations. Ce sont des résultats issus d’observations rigoureuses, d’études longitudinales, d’analyses croisées.

La fabrique du doute : comment la désinformation opère

Malgré cette accumulation de preuves, une tendance inquiétante s’installe : certains acteurs publics ou privés nient, minimisent, ou relativisent ces constats. Et ce n’est pas sans conséquences.

Dans Sciences & Avenir, Philippe Grandcolas décrit une mécanique bien connue :

Ceux qui propagent ce type de discours — en niant ou relativisant le déclin de la biodiversité — participent à retarder les prises de décisions nécessaires.”

Car c’est bien cela l’enjeu : retarder l’action. Comme dans les cas du tabac, de l’amiante, du changement climatique, ou plus récemment des PFAS, la stratégie est toujours la même : créer un doute pour légitimer l’inaction.

Cette désinformation se manifeste par :

  • La remise en question des données pourtant établies,
  • La mise en scène de controverses scientifiques fictives,
  • Le recours à des pseudo-experts ou figures médiatiques sans légitimité scientifique,
  • La création de contenus viraux qui font appel à l’émotion ou à la peur économique.

Loi Duplomb : quand la désinformation devient texte de loi

C’est dans ce contexte que la loi Duplomb a vu le jour. Et ce n’est pas un hasard.

Ce texte, voté en juillet 2025, permet :

  • De court-circuiter les avis scientifiques indépendants (notamment ceux de l’ANSES),
  • De réautoriser des substances interdites ou fortement suspectées d’être toxiques, comme certains néonicotinoïdes,
  • De relâcher les obligations de séparation entre vente et conseil phytosanitaire, pourtant essentielles pour prévenir les conflits d’intérêts.

Le tout, sans débat scientifique contradictoire.

Ce que révèle cette loi, c’est un tournant : la légitimité de la science est désormais contestée jusque dans la fabrique de la loi.

Réduire la science à une opinion parmi d’autres : un glissement dangereux

Le risque est immense : réduire les faits scientifiques à de simples “avis”. Un chiffre d’extinction devient un “point de vue militant”. Une méta-analyse de 100 publications sur les néonicotinoïdes devient une “doxa écologiste”.

Cela crée un climat où :

  • Le débat public est brouillé,
  • La population est désorientée,
  • Les décideurs politiques se sentent autorisés à choisir “leur vérité”.

C’est ce que Sciences & Avenir dénonce comme un affaiblissement du pacte démocratique fondé sur la connaissance partagée.

Santé humaine : l’autre victime de la désinformation

Ce brouillage n’affecte pas seulement la biodiversité. Il met aussi en péril notre santé.

L’INSERM a publié en 2021 un rapport massif sur les liens entre exposition aux pesticides et effets sanitaires. Résultat : les liens sont étayés avec une probabilité forte pour plusieurs pathologies graves :

  • Certains cancers pédiatriques (leucémies, tumeurs du système nerveux central)
  • Maladie de Parkinson (reconnue maladie professionnelle pour les agriculteurs)
  • Troubles neurodéveloppementaux
  • Infertilité
  • Troubles thyroïdiens

Ces alertes sont publiques. Elles sont connues. Mais elles sont systématiquement édulcorées ou relativisées dans le débat public, au nom de l’emploi, de l’agriculture, ou de “l’équilibre”.

De la peur à la lucidité : replacer la science au cœur du débat

Refuser la désinformation, ce n’est pas “tomber dans l’alarmisme”.
C’est au contraire faire preuve de lucidité, responsabilité, et respect du réel.

Nous n’avons pas besoin de discours anxiogènes.
Nous avons besoin de faits partagés, de pédagogie, et de confiance dans les institutions scientifiques.

C’est le rôle de tous — associations, citoyens, entreprises engagées, médias, chercheurs — de défendre cette clarté.

Le rôle crucial de la mobilisation citoyenne

Face à la loi Duplomb, la mobilisation a été massive : plus de 1,5 million de signatures en quelques semaines. Un chiffre historique pour une pétition en France.

Ce sursaut montre que la société civile est non seulement sensible aux enjeux écologiques, mais aussi vigilante face à la manipulation de l’information.

Signer contre la loi Duplomb, ce n’est pas seulement refuser une loi toxique.
C’est défendre la science, la vérité, le droit à une information fiable.

Recommandations pour résister à la désinformation

Chez BeePlanète, nous avons identifié 5 leviers pour résister efficacement à cette désinformation :

  1. Appuyer toute prise de position sur des sources scientifiques solides (ANSES, INSERM, CNRS, IPBES, etc.)
  2. Former les citoyens à repérer les stratégies de manipulation de l’opinion
  3. Exiger la transparence sur les liens d’intérêts dans le débat public
  4. Créer des passerelles entre science et société civile (pédagogie, vulgarisation, événements participatifs)
  5. Renforcer la protection des agences scientifiques contre les pressions politiques ou économiques

Conclusion : choisir la vérité, pas le confort du doute

Comme l’écrit si justement le biologiste américain Edward O. Wilson :

“La plus grande erreur que nous puissions faire est de croire que la nature est optionnelle.”

La désinformation nous flatte : elle nous dit que tout va bien, qu’il n’y a pas de problème, ou que la technologie réglera tout.

Mais le réel est là. Et il ne négocie pas.

Choisir de voir le monde tel qu’il est, ce n’est pas être pessimiste. C’est choisir l’action.

🖊️ Si vous ne l’avez pas encore fait, vous pouvez signer les deux pétitions contre la loi Duplomb :

Chez BeePlanète, nous continuerons à faire entendre une voix claire, rigoureuse, engagée.

Pas pour “faire peur”, mais pour protéger lucidement ce qui nous fait vivre : le vivant.